Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
LE VOLEUR DE PENSÉE.

Cependant, François s’installait au léger volant directeur de l’aéroplane. Les employés de l’usine Loisin s’écartaient, allant se grouper auprès des chronométreurs. M. Loisin et le vieux Tiral prononçaient les dernières paroles d’encouragement, auxquelles l’aviateur riposta par un sourire, puis, sur la piste, l’engin apparut seul, avec, à sa direction, le jeune ingénieur, immobile, attendant le signal d’envol.

Une émotion subite avait étreint tous les cœurs, suspendu toutes les conversations. Deux cent mille spectateurs vibraient à l’unisson.

Seuls, le murmure du vent, le claquement des oriflammes se percevaient.

Et tout à coup, un déclic secoua l’assistance d’une commotion ; un ronflement léger bourdonna dans l’atmosphère, l’aéroplane se mit en mouvement, roula pendant un instant sur ses roues porteuses et s’éleva dans l’air, au milieu d’une acclamation furieuse, impulsive, irraisonnée, jaillie de toutes les poitrines.

De nouveau, la foule se fit muette.

Une sorte de stupeur admirative annihilait les individualités.

Jusque-là on avait vu des aviateurs audacieux et habiles, mais si l’on peut s’exprimer ainsi, on avait senti l’effort, la préoccupation incessante d’assurer la stabilité et la direction des appareils planeurs.

À présent, l’inquiétude imprécise accompagnant les diverses expériences avait disparu.

Il semblait que le pilote fût le maître de l’air.

Ce n’était plus un aéroplane, construit de main d’homme, dont la silhouette blanche se mouvait dans l’espace, c’était un oiseau serti par la nature.

Chacun pensait, et nul n’eût su expliquer le pourquoi de cette conviction, que le polyplan de François de l’Étoile ne pouvait pas tomber.

De fait, il évoluait avec une aisance, une sûreté inimaginables, tournant dans un cercle restreint, décrivant des arabesques fantaisistes, s’élevant en spirale dans l’azur, puis fonçant vers le sol avec la rapidité du milan fondant sur sa proie, et tout à coup, à cinquante centimètres du terrain qu’il semblait devoir heurter, se redressant pour reprendre la direction des nuages.

On eût cru que le pilote se riait de la difficulté. Le rêve d’Icare était réalisé. Un homme apparaissait, citoyen de l’air, maître du vent, dominateur de l’impalpable !

Et quelle rapidité ! Toutes les machines volantes présentées en ce jour