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MISS VEUVE.

« Le factionnaire n’a pas hésité à faire feu sur cette ombre suspendue dans les airs. Il l’a atteinte certainement, car une trace palpable ne permet pas d’accuser le brave soldat d’hallucination.

« L’homme volant s’est élevé dans l’atmosphère et a disparu, mais sur la muraille, au-dessus précisément des fenêtres de Sa Majesté l’Empereur, une large tache de sang affirme la réalité des dires du factionnaire. »

On juge de l’effet produit par un article de ce genre, et dont tous les journaux sérieux s’accordaient à reconnaître l’authenticité.

Tandis que la foule allemande cherchait en vain la clef de l’énigme nouvelle soumise à sa sagacité, l’aéroplane de François de l’Étoile, volait vers le Nord à une vitesse vertigineuse.

Seulement, sur le visage des passagers se lisait un désespoir farouche, une anxiété torturante.

C’est que, au fond du navire aérien, sur des couvertures empilées, gisait l’ingénieur, sanglant, d’une pâleur de cire, immobile autant qu’un cadavre.

Il a voulu revoir l’Empereur. Il a pénétré encore dans le Cabinet du Maître. Il lui a dit :

— Sire, désormais, je ne suis plus l’ennemi de l’Allemagne. Von-Karch-Kremern m’a joué, il m’a échappé ; mais Votre Majesté m’avait été amie sincère. Soyez remercié.

Malheureusement, alors que le filin rattaché à l’aéroplane le ramenait à bord, un soldat avait aperçu la silhouette s’élevant dans l’espace, avait fait feu, et François était arrivé sur son vaisseau aérien, évanoui, couvert de sang.

À présent, après un conseil rapide, ses compagnons s’efforçaient de gagner une terre non hostile, où il fût possible d’appeler un homme de science capable de dire si François de l’Étoile devait vivre ou mourir.

Et les gamins gémissant de l’absence de Tril, pleurant sur leur chef qui semblait frappé à mort, l’aéroplane filait, rapide comme l’ouragan, gagné d’apparence par l’impatience folle du but, emportant à travers l’espace son équipage consterné.