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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/34

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LE VOLEUR DE PENSÉE.

La portière s’est ouverte. La nouvelle venue saute dans le véhicule, prend place en face de Von Karch et de sa fille Marga, car ce sont eux qui arrivent de Châlons.

La portière claque en se refermant et l’automobile démarre au même instant, comme si ce bruit avait été un signal attendu par le watman.

La passagère salue la fille de l’Allemand. Il y a de la déférence dans ce mouvement, mais rien de plus. Et puis, elle se pelotonne dans un angle, silencieuse, attendant sans doute que ses compagnons jugent le moment venu de s’expliquer. Von Karch, lui, se met à rire bruyamment.

— Eh bien, Liesel, on ne peut pas dire que tu sois curieuse. Je t’annonce que l’instant est proche et tu ne me questionnes pas.

— Il y a quatre ans que je sais que l’instant viendra, répondit paisiblement l’interpellée. Quand on a espéré quatre années, qu’importent quelques minutes de plus.

Un petit rire tinta dans le silence, et Marga, muette jusque-là, ricana.

— Allons, père, ne la faites donc pas languir. Parlez. Aussi bien j’ai hâte de comprendre, moi.

— Ainsi vais-je faire, ma jolie Margarèthe… Liesel m’excusera si je reprends mon récit d’un peu haut. C’est pour vous instruire, vous, de ce que vous ignorez encore.

Et, d’un ton placide, le gros homme commença :

— Vous savez sans doute, Marga, que dès le début du XIXe siècle, la Prusse et l’Allemagne, pressentant le rôle qu’elles auraient à jouer dans le monde, s’y préparaient sérieusement.

La jeune femme inclina la tête, non sans marquer d’un geste la surprise que lui causait cette singulière entrée en matière.

— Or, continua Von Karch, quiconque aspire à monter, doit surveiller les adversaires, les voisins qui ont pour caractéristique une tendance instinctive à arrêter toute ascension, à empêcher tout essor. Des services de surveillance furent donc établis, rayonnant sur le monde, et c’est alors que Gertraud Muller, grand’mère de cette jolie Liesel, entra en relations avec l’Office Central de Renseignements, établi naguère au bourg de Friegensdorp et qui, aujourd’hui, siège à Berlin.

Il prit un temps, toussa pour s’éclaircir la voix, puis lentement :

— C’est dans la Guyane Française que naquit Iseult Muller.

— Ma mère, murmura Liesel, les dents serrées, avec une intonation de colère et de haine.

— Oui, mon enfant, ta mère, reprit Von Karch ; ta mère qui, à douze ans,