Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
LE VOLEUR DE PENSÉE.

Mais ensuite, où ira-t-il ? À la question, nul n’est en état de répondre.

François n’avait pas jugé à propos d’expliquer que l’avant-veille, il avait reçu une dépêche ainsi conçue :

« Wimbleton.

« Tous détails prêts. Manque seulement enchanteur qui en fera un tout. Êtes attendu impatiemment. Sincèrement.

« Signé : Péterpaul. »


Quarante-huit heures avaient suffi au jeune homme pour mettre ordre à ses affaires, activer l’achèvement des travaux en cours, et le soir même, il allait prendre le train pour Saint-Malo, avec l’intention de consacrer la journée du lendemain aux « clients » malouins de la Société Loisin et Cie, puis de s’embarquer sur l’un des magnifiques paquebots qui font le service de l’embouchure de la Rance à la côte anglaise.

Six heures sonnent. La sirène mugit, annonçant la fermeture des ateliers. Au même instant, sur le quai, une automobile stoppe avec un bourdonnement trépidant.

François sort du bureau où il se trouvait avec M. Loisin et le comptable Tiral. Ceux-ci l’accompagnent. Ils vont dîner avec lui, ne voulant le quitter qu’à la gare.

Et les contremaîtres, les ouvriers s’avancent. Ils serrent cordialement la main de l’ingénieur. On sent que tous l’aiment, que tous ont obéi sans peine à ce jeune homme, en qui ils ont reconnu la science, la volonté, ces qualités qui font le véritable chef. Des phrases passent :

— Bonne chance, monsieur François.

— Et bon retour, car vous nous reviendrez.

Il presse les mains tendues vers lui, avec une émotion contenue, mais que tous discernent clairement.

Bonne chance ! Les deux mots troublent celui qui va là-bas, en Angleterre, réaliser son rêve de savant, d’ingénieur.

L’automobile qui l’emporte à travers Paris, ses compagnons, le restaurant où les trois hommes dînent, tout cela se déroule dans un brouillard.

François agit, parle, écoute automatiquement. Son esprit est absent.

Il volète là-bas, à Wimbleton, autour d’Édith, puis peut-être aussi à Kinbarn, tout au Nord de l’Écosse, dans un vallon sauvage, où se dressent les