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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/422

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

l’obscurité à ce rayonnement inattendu. Mais une voix féminine prononce :

— J’avais peur, seule dans ce vieux temple abandonné ; j’ai entendu le bruit de vos pas et je suis venue.

C’est Liesel. Sa souple et onduleuse silhouette se dessine dans l’encadrement du pylône. Ses yeux de jais luisent étrangement tandis qu’elle continue :

— Vous venez du cenote ; vous avez porté les ordres de votre maître ? interroge-t-elle.

Dans l’accent de la jeune fille, Tril sent quelque chose de voilé ; les paroles ne sont qu’un écran masquant une pensée inexprimée. Il en a conscience et cela le trouble un peu. Cependant il répond :

— Oui, en effet.

— Et vous vous êtes égaré dans l’obscurité ; vous aviez dépassé la porte.

Ah ça ! Est-ce qu’elle aurait épié le jeune garçon ?

Cette idée impressionne désagréablement celui-ci. Mais il se raidit. Après tout, n’a-t-il pas agi aussi dans l’intérêt de Tiral. Le salut des Fairtime ne serait-il pas aussi celui de l’ancien comptable ! Et il riposte :

— Ce bois aurait besoin de quelques réverbères !

Il se rend compte que sa réponse est stupide, il s’explique ainsi le sourire fugitif qui distend les lèvres de Liesel. Mais elle reprend aussitôt son expression énigmatique.

— Vous désirez sans doute vous reposer ?

— Oui, répond-il avec empressement.

Il sera ravi d’être privé de la présence de la métisse.

— Venez, dit-elle. Je vous indiquerai le réduit, (nous ne disposons pas de chambres dans cette ruine) où il vous sera possible de vous étendre et de goûter un repos bien gagné.

Quelle étrange intonation elle met dans ces quatre derniers mots ! Cela inquiète encore Tril. Il la regarde fixement. Mais elle conserve son air impénétrable. Ses grands yeux noirs n’expriment rien de la pensée veillant en son cerveau.

Dépité, le jeune garçon rentre dans le couloir. Dans son esprit passe le souvenir des yeux de son amie Suzan, chère entre toutes. Ceux-là sont noirs aussi. Et il s’avoue avec un plaisir inexplicable qu’ils ne sont pas du même noir.

Autour de la salle où les voyageurs ont pris leur repas, des niches sont creusées dans les murailles. À quoi servirent-elles autrefois ? Nul ne saurait le dire aujourd’hui.