Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
448
L’AÉROPLANE-FANTÔME

L’anxiété fut brève, l’objet frôla la barque, la dépassa, et d’un même mouvement, Péterpaul et ses amis saisirent les avirons pour s’élancer à sa poursuite.

Avec stupéfaction, ils avaient reconnu une pirogue.

Une pirogue, abandonnée eu cours impétueux d’un torrent du sous-sol. D’où venait-elle ?

Quelques coups de rames amenèrent les embarcations bord à bord, et dans le fond de la pirogue mystérieuse, les voyageurs découvrirent deux corps privés de sentiment.

En ces deux êtres, annihilés par une terreur surhumaine, ils reconnurent Tiral et la métisse Liesel.

Transbordés aussitôt, entourés de soins, ceux-ci revinrent à eux, expliquèrent comment, lancés dans la nuit par la trahison de Von Karch, secoués, ballottés sur les eaux furieuses, leurs nerfs n’avaient pu résister à la terreur. Ils s’étaient évanouis.

Le reste s’expliquait de lui-même.

Le torrent, affluent tributaire du fleuve, y avait conduit la pirogue, laquelle, par un hasard providentiel, avait résisté aux chocs dont son bordage portait les traces.

Mais le salut inespéré laissa Liesel dans un état de prostration douloureuse.

La jeune fille se sentit prise d’épouvante à la pensée qu’elle était sauvée par François, par l’homme dont elle avait amené l’arrestation, le déshonneur, de concert avec le misérable qui venait sans scrupule de la vouer à la mort.

Elle ne sortit de son atonie que pour crier sa propre infamie. Elle clamait comme en rêve le criminel mensonge. Elle adjurait François de lui pardonner.

Tiral, éperdu devant cette confession, demeurait atterré.

Et Édith enveloppant son fiancé d’un regard lumineux, semblait dire :

— Souvenez-vous, François, rien n’a pu me faire douter de vous.

La journée s’écoula ainsi, puis le lendemain. À l’estime des voyageurs, ils eussent dû atteindre l’embouchure du fleuve souterrain, et le tunnel continuait toujours.

Peut-être le canot avait-il été entraîné en dehors de la route la plus courte. Le courant ralenti les charriait vers l’océan, mais combien de temps mettraient-ils à y arriver ?

La faim donnait une terrible éloquence à la question.