Les répliques ne ripostaient plus aux répliques. Des temps de silence trouaient la conversation, de plus en plus longs, de plus en plus fréquents.
Enfin, les convives demeurèrent muets, les paupières abaissées, ils dormaient.
Quand Von Karch se réveilla, il faisait grand jour, ainsi que le démontrait un joyeux rayon de soleil pénétrant par la vitre circulaire du hublot.
La trépidation de l’hélice amena un sourire sur ses lèvres.
— Ah ! Ah ! nous sommes en marche ! Ce brave Tafsen. Il a compris ma hâte de me trouver en pleine mer pour me débarrasser de ces encombrants prisonniers. Ils m’ont causé assez de tintouin, les gaillards !
Il s’interrompit brusquement.
— Ah ça ! qu’est-ce que je fais ici ?
Il ne reconnaissait pas sa cabine. Plus fort que cela, il avait l’impression de n’avoir jamais pénétré dans l’étroite pièce où il se trouvait à cette heure.
Pourtant, il connaissait le Fraulein dans ses moindres recoins.
En hâte, il sauta de la couchette sur laquelle il était étendu. Nouvelle surprise. Il s’aperçut qu’il était couvert de ses vêtements.
— Se coucher sans se déshabiller, grommela-t-il. Ai-je donc fêté la dive bouteille ; j’étais assez joyeux pour cela ; mais cette cabine, ce n’est pas la bouteille qui l’a fait pousser dans la nuit.
Il sortit, parcourut les coursives, se trouva sur le pont.
Ici, son étonnement atteignit à la stupeur. Le navire qui le portait, devait avoir un tonnage sensiblement égal à celui du Fraulein, mais sa construction différait totalement du yacht allemand.
Un marin, ou plus exactement un mousse, — l’âge du personnage, quinze ans à peine, justifiant ce titre, — passa près de l’espion.
— Pardon, quel est ce navire ? prononça ce dernier dans le plus pur allemand.
L’interpellé le toisa et répondit :
— I don’t understand !
Ce qui en anglais et en américain signifie :
— Je ne comprends pas.
Allons bon ! voilà qu’à bord du bateau allemand, il se trouvait un mousse anglo-saxon.