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Page:Ivoi - L’Homme sans visage, 1908.djvu/58

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L’HOMME SANS VISAGE
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à moi, mais à une lettre qu’il venait d’extraire de l’habit du malheureux domestique.

— L’écriture du comte de Holsbein, fit-il encore… Ceci destiné à M. de Kœleritz… Eh ! eh ! voilà qui est intéressant.


XVI

J’AI COMMIS UN CRIME


J’avais tressailli.

Holsbein, Kœleritz, ces noms évoquaient en moi des souvenirs que la scène du crime m’avait un instant fait oublier.

Est-ce que je rentrais dans le drame politique que je devais, à un moment donné, raconter aux lecteurs du Times ?

Et j’éprouvai un soulagement à sentir cette pensée traverser mon esprit. Le meurtre n’était plus un acte de malfaiteur vulgaire… C’était un épisode brutal, mais explicable, d’un duel mondial.

Mais alors, le personnage brun était donc ennemi du comte de Holsbein ? Par suite, ami de X 323.

Il ne me permit pas encore de l’interroger. Il examinait la lettre et monologuait :

— Une simple feuille repliée sur elle-même, et fixée par deux pains à cacheter. Un jeu de l’ouvrir.

Un canif à lame aiguë se trouva dans sa main, sans que j’eusse vu d’où il l’avait sorti.

Il plongea l’acier dans l’eau bouillante, et tandis qu’il attendait sans doute qu’il fût suffisamment échauffé,

— Le pain à cacheter humidifié perd toute adhérence et peut se recoller le plus aisément du monde.

Il daignait m’expliquer ses actions. Il continua :

— Avec un cachet de cire, cela eût été un peu plus long… Mais, avec une empreinte que j’ai prise sur le cachet même du comte de Holsbein-Litzberg, le travail eût été fait tout aussi proprement.

— Vous saviez donc que cette lettre allait passer à votre portée ?

Il eut un sourire.

— Naturellement.

Naturellement ! Mais cela n’est point naturel du tout. Mon interlocuteur comprit probablement ce qui se produisait en mon esprit, car il ajouta toujours souriant :

— Tandis que M. de Holsbein se trouvait tout à l’heure dans le kiosque…

J’eus une exclamation involontaire.

— Dans le kiosque, vous savez ?…

L’étrange individu haussa les épaules, avec un dédain aussi complet que si je lui avais demandé :

— Usez-vous d’une cuillère pour manger de la crème ?

Et poursuivant, sans même tenir compte par une parole de mon interruption :

— Pendant ce temps, un messager de M. de Kœleritz était arrivé à l’hôtel d’Avreda. — M. de Kœleritz est impatient, toutes les lenteurs de M. de Holsbein l’ennuient, et puis il ne serait pas fâché d’arriver au bout de ses relations avec le comte… M. de Kœleritz est un fonctionnaire de « grand jour » ; l’autre est un fonctionnaire « d’obscurité ». Eh ! eh ! ricana l’inconnu, on sert le même maître, mais on se méprise… Bref, ce digne M. de Kœleritz qui aide les espions, en s’essuyant les mains, pressait son correspondant de lui remettre le document.

J’écoutais bouche bée. Le personnage prenait les proportions d’un être ubiquiste et féerique.

À la même minute, il semblait avoir assisté au drame moral se déroulant dans le kiosque et à l’arrivée de la missive de M. de Kœleritz.

Ma stupeur me fit prononcer à haute voix :

— Mais comment savez-vous cela ?

— Comment ? mais comme on sait toute chose. En voulant savoir.

Puis changeant de ton :

— Nous reprendrons tout à l’heure ; lisons d’abord la réponse de ce brave comte.

Il reprenait son canif à la lame hu-