Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Est-ce vrai ?

— Oui, Sire.

— Et vous avez foi en notre étoile, l’étoile de la France.

— Nous avons foi.

— Merci, mes amis.

Mais se tournant vers Berthier, vers Ney.

— Dois-je vous garder près de moi, Berthier, ou vous renvoyer dans vos foyers comme des soldats qui n’ont plus confiance en leur général ?

— Oh ! me renvoyer, gronda Berthier.

— Vous n’y tenez pas ! Alors je vous garde aussi tous deux.

Berthier inclina le front en signe d’acquiescement, Ney rougit, mais secoua la tête. L’Empereur ne prit pas garde à cette dernière résistance :

— Allons, je vous retrouve, mes vaillants. Je m’étonnais de votre épouvante. Les alliés sont nombreux, il est vrai, mais divisés. Il est impossible qu’ils ne commettent pas de fautes dont nous tirerons parti.

Puis précisant, introduisant, par la force de la logique, sa conviction dans l’esprit de ses auditeurs.

— Nos adversaires s’avancent sur Paris par la route de Bâle, à l’est, par celle de Mayence, au nord-est, et ils ne peuvent faire autrement, ayant à lier leurs opérations avec les troupes en action dans les Pays-Bas. En outre de cette séparation forcée entre les armées de Blücher et de Schwarzenberg, les envahisseurs se sont encore fractionnés pour des motifs secondaires.

Les maréchaux écoulaient stupéfaits.

Jusqu’alors ils avaient reculé devant les coalisés, sans comprendre le but, la raison des mouvements des troupes cosmopolites dont l’interminable caravane affluait en France. Napoléon, dès les premiers mots, les éblouissait par la lucidité de son génie.

Arrivant de Paris, il savait les choses mieux qu’eux-mêmes. Sans hésitation il les expliquait.

— Blücher, continuait l’Empereur, a laissé des bataillons au blocus de Mayence et de Metz ; les colonnes du prince de Schwarzenberg sont éloignées les unes des autres ; celle de Bulma a pris par Genève, celle de Colloredo, par Auxonne et la Bourgogne ; celle de Giulay et du prince de Wurtemberg, par Langres et la Champagne ; celle de de Wrède, par l’Alsace. Des détachements sont retenus autour de Strasbourg, de Besançon, Belfort, Huningue. Tant de corps épars peuvent-ils être dirigés avec assez de précision, pour être concentrés à propos sur le point où ils auront à combattre ?