C’était Marion Pandin, que la venue de Milhuitcent avait arrachée à sa gémissante prostration.
— Au château, répliqua l’enfant, évitant la gardienne d’un saut de côté et s’engageant dans l’allée des tilleuls.
— Il n’y a plus personne.
Cette phrase brisa l’élan d’Espérat :
— Plus personne ?
Et indécis, les pieds rivés au sol, il interrogea :
— Le capitaine Marc Vidal ?
— Prisonnier.
— Du vicomte d’Artin ?
— Oui, comment le savez-vous donc, vous qui n’étiez pas là.
Le gamin dit tristement :
— J’étais à la Croix des Cosaques, où il s’est rencontré avec le chevalier Henry de Mirel.
— Henry !… vous les avez vus… ?
— J’ai entendu aussi.
Mais une réflexion vint à Espérat. Cette femme, debout près du pavillon de la gardienne de la grille, cette femme qui avait tenté d’empêcher son entrée dans le parc, n’était-elle point celle dont le nom avait été prononcé là-bas, près de cette croix devant laquelle Mirel priait ?
Et s’approchant d’elle, il murmura :
— Vous êtes Marion Pandin.
— Bien sûr, fit-elle défiante, ce n’est pas un mystère, tout le pays le sait.
Une pauvre veuve qui a perdu son mari, son fils…
— Son fils, répéta le gamin avec un tressaillement.
Elle pensa que le nouveau venu l’avait espionnée, tout à l’heure, tandis qu’elle se lamentait, et vite, comme une personne qui se défend :
— Pas aujourd’hui, il y a longtemps… ; mais une mère se souvient toujours… Vous comprenez cela… vous avez une mère, vous ?
Il tourna la tête, niant.
— Non.
Marion le considéra avec intérêt :
— Pas de mère… gémit-elle… Pourquoi des enfants sont-ils sans mère, alors que des mères sont sans enfant ?
Mais Espérat l’interrompit :
— Il y a longtemps que vous pleurez le vôtre ?
— Quatorze ans… depuis 1800.
— La mort vous l’a enlevé ?