— Aucun n’était cette nuit à la Croix des Cosaques, j’y étais, moi.
Elle chancela en l’écoutant. Cependant elle tenta encore de lutter contre l’effroi qui la gagnait visiblement :
— Vous étiez à la Croix des Cosaques… et après…, qu’est-ce que cela prouve contre l’opinion du pays ?
— D’Artin et Mirel s’y sont rencontrés.
— Possible… deux frères ont le droit…
— De se donner ce nom si doux, si tendre, si enviable : frère.
— Eh bien ?
— D’Artin a refusé ce droit au chevalier… il l’a menacé…, en lui-même… en vous, Marion Pandin… Et Mirel a courbé la tête. Et moi qui, caché près d’eux, les regardais, les écoutais, je me suis demandé : Quelle affection a donc ce jeune homme pour Marion, qu’il supporte le plus sanglant outrage plutôt que de lui causer une peine ?
Atterrée, l’interlocutrice de l’enfant fléchissait sur ses genoux, sa tête semblait s’enfoncer dans ses épaules… Il y avait de l’égarement sur son visage.
— On aime aussi sa nourrice… fit-elle avec effort.
Mais plus prompt que Marion, Milhuitcent acheva la phrase commencée :
— Ou sa mère.
À ce mot, un cri déchirant s’échappa des lèvres de la malheureuse. Elle porta les mains à son front, puis les écarta, battant l’air de ses bras étendus. Le gamin bondit vers elle et la soutenant :
— Ne craignez rien, pauvre mère… je ne suis pas un ennemi. Envoyé par l’Empereur pour écarter le danger qui menaçait le capitaine Vidal, je suis arrivé trop tard. Mais l’Empereur saura…, et lorsqu’il punira les coupables, Henry, votre fils, sera épargné.
Elle ne résista plus, et s’abandonnant sur la poitrine du brave garçon, dont la voix vibrante lui transmettait les palpitations d’un cœur généreux :