Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/216

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— Vous direz à l’Empereur que M. de Metternich a consenti à immobiliser, durant quelques jours, l’armée autrichienne de Schwarzenberg.

— Soyez tranquille, je ne l’oublierai pas. Je lui apprendrai aussi les avanies que vous font subir les délégués ennemis.

— Non, pas cela, Dupeutit. Cela n’a pas d’importance. Comme tous les braves gens, je souffre pour la patrie… Mais partez vite, chaque minute a son prix… Que l’Empereur sache sans retard qu’il peut agir.

Les deux hommes se serrèrent énergiquement la main.

Dans la cour, un cheval tout sellé attendait. Le courrier sauta en selle, et bientôt il galopait à toute bride sur la route de Troyes, pour gagner cette dernière ville, où Napoléon avait établi son quartier général.

À cette heure même, M. de Metternich tout grelottant rentrait chez lui, s’installait devant un grand feu, et écrivait à Sa Majesté François, empereur d’Autriche, la lettre historique que voici :

A. E. I. O. U.[1]
Châtillon. 26 février 1814.

« Une fois encore, j’ai réussi à calmer les impatiences de ceux qui ne comprennent pas les angoisses paternelles de Votre Majesté.

« Avec un peu d’aide de la Providence qui veille sur les Rois, la noble Marie-Louise continuera à embellir les Tuileries de sa présence, le père n’aura point préparé la ruine de sa fille.

« J’espère que le gendre de Votre Majesté écoutera les conseils de la sagesse ; qu’il renoncera aux entreprises guerrières, et que la paix sèmera de fleurs la route de mon auguste maître et de sa fille, la plus noble des souveraines.

« Et comme toujours, je suis et suis heureux d’être, de Votre Majesté, le féal sujet, la chose dévouée.

« Metternich. »

À cette heure encore, M. de Humboldt, délégué de Prusse, et Enrik Bilmsen s’arrêtaient devant le porche de pierre de l’hôtel des Cloutiers, qui servait de prison à Lucile de Rochegaule.

Le factionnaire autrichien qui gardait l’entrée les laissa passer après les avoir reconnus et tous deux franchirent le seuil.

  1. A. E. I. O. U. est la devise de l’Empire d’Autriche. Ce sont là les premières lettres de chacun des mots qui composent la phrase : Austrie est imperari orbii universo ; à l’Autriche l’empire du monde.