Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/229

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seconde où la cour était vide de servants et de voyageurs, il se mit à califourchon sur l’échelle et se laissa glisser jusqu’au sol.

Les mains dans les poches, de l’air indifférent d’un flâneur, Espérat traversa la cour, gagna la voûte d’entrée.

À sa droite, s’ouvrait une large baie accédant à un vestibule d’où partait l’escalier conduisant aux chambres situées à l’étage supérieur.

À côté de la première marche, une porte close découpait dans la muraille son parallélogramme peint de couleur brune.

La clef était dans la serrure.

Sans façon, le fils adoptif de M. Tercelin ouvrit et pénétra dans un petit appartement de deux pièces séparées par un couloir vitré.

C’était le logis adopté par lui et ses compagnons.

Dans l’une des salles, Bobèche et le pope Ivan se tenaient, ce dernier en face d’une bouteille largement entamée.

— Comment nous tirer de là, disait Bobèche.

Adversitas beatificat cor hominum… l’adversité béatifie le cœur de l’homme, psalmodiait Platzov.

Tous deux saluèrent leur jeune compagnon d’une exclamation désolée :

— Ah ! mon pauvre ami.

— Qu’y a-t-il donc, interrogea celui-ci, sans rien perdre de son calme.

— Un malheur !

— Un désastre.

— Un jour de guigne.

Dies iræ, dies illa… Un jour de colère, un jour tragique.

Le pope et Antoine, fils parlaient ensemble.

— Voyons, demanda Milhuitcent qui ne comprenait rien à leurs lamentations ; avez-vous juré de me rendre fou ?

— Eh ! s’écria Bobèche, je crois que pour mon compte, je le suis.

— Mais encore ?

— Devine qui sort d’ici ?

— Dis-le-moi, ce sera plus tôt fait.

— Lord Aberdeen.

— Le délégué anglais ?

— Oui, mon fils, gronda le pope, légatus anglicanus.

— Et M. de Stadion, reprit le pitre.

— De Stadion, le commissaire d’Autriche… Que voulaient-ils ?

— Nous prier, moi Bobèche, et toi présenté ici comme un membre de ma troupe de comédiens…