CHAPITRE VII
La Ferme Éclotte
Un grand parallélogramme clos de hautes murailles. Sur la place du Saint-Voile, une porte charretière, juste en face, une baie étroite percée dans le mur et par laquelle, en faisant tourner le lourd battant de chêne qui la fermait, on accédait au verger.
Dans la cour, parsemée de tas de fumier, de flaques gelées, les bâtiments, étables, et autres, aux toits de chaume noirci par les pluies. Telle était la ferme Éclotte.
Son apparence était sombre, sombre aussi sa légende.
Derrière le bâtiment d’habitation, actuellement transformé en prison, s’allongeait un couloir étroit, resserré entre le logis et le mur du verger. À l’une de ses extrémités se creusait une cavité profonde, où les détritus de l’exploitation s’accumulaient, se transformant peu à peu en engrais.
C’était là qu’aux mauvais jours de la terreur rouge[1], les suspects étaient mis à mort.
Car Châtillon-sur-Seine a eu ses exécutions, son Fouquier-Tinville, son Carrier, son Sanson, au petit pied. Et les vieilles gens rappellent encore en frissonnant aux jeunes, le nom de Picart, garçon de la poste aux chevaux, qui, en 1793, remplit de morts la cavité ménagée pour recevoir le fumier de la ferme Éclotte.
Maintenant les alliés fusillaient en cet endroit les paysans coupables de s’être armés contre l’invasion. On punissait le patriotisme, on assassinait le dévouement.
Au nom des empereurs, des rois de l’Europe, au nom du roi de France, on exigeait que les Français fissent bon accueil aux troupes de l’étranger.
- ↑ L’épithète : rouge… appliquée aux massacres de 1793, est indispensable pour distinguer cette période sanglante de la Terreur blanche, non moins terrible, qui suivit l’écrasement de la France par les armées de l’Europe (1816-1817).