Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


La diligence les emporte toujours. Elle parcourt la rue Saint-Honoré, se jette dans la rue de la Croix des Petits Champs, puis dans celle du Bouloi et s’arrête enfin dans la cour de l’hôtel des messageries Saint-Simon, siège de l’entreprise de transports.

Les clients s’empressèrent de descendre, tandis que les employés déchargeaient les malles, caisses, ballots empilés sur l’impériale.

Il y avait là des soubrettes, des courtauds de boutique, des bourgeois venant recevoir les voyageurs ou prendre livraison des colis.

Espérat et sa compagne, que personne n’attendait, puisque M. Tercelin n’avait pu prévenir le tuteur de la fillette, quittèrent la voiture, un peu abasourdis par le brouhaha d’éclats de rires, d’embrassades, qui chantait autour d’eux et dont ils n’avaient aucune part.

Le jeune garçon ne se démonta pas cependant et arrêtant un commissionnaire par la manche :

— La rue Saint-Honoré et la rue de la Loi ? demanda-t-il. — Vous avez des bagages ? répliqua l’homme.

— Non. Ils suivent pour être remis à domicile… mais je ne connais pas Paris.

— Bien, bien. Vous allez prendre la rue du Bouloi à gauche… vous tomberez, rue de la Croix des Petits Champs…, toujours tout droit, jusqu’à la rue Saint-Honoré. Là tournez à droite et à trois cents mètres, vous verrez la rue de la Loi.

— Merci, Monsieur.

Sur ce, Espérat saisit la main d’Emmie et quitta l’hôtel des Messageries.

Suivant de point en point les indications reçues, ils atteignirent sans encombre la rue Saint-Honoré.

Mais là, un groupe compact leur barra le passage.

Une foule grouillante entourait deux chanteurs en plein air, un homme et une femme, qui, s’accompagnant d’une guitare et d’un violon, écorchaient la chanson frondeuse de Fanchette[1], au refrain déchirant dans sa forme niaise :

  1. Fanchette, ou les Chagrins d’une Promise, était une allusion déguisée aux désastres militaires des années 1812 et 1813.