Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/35

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Peut-être réussirez-vous là où j’échouerais ;… je veux vous les nommer.

— J’écoute.

— L’un est baron de l’empire, inspecteur des bergeries impériales.

— M. de Vitrolles ?

— Lui-même, l’autre est un émigré… le vicomte d’Artin.

— D’Artin ?

L’officier répéta ce nom avec une sorte d’angoisse, ses yeux se voilèrent :

— D’Artin, dit-il encore… d’Artin, le frère aîné de Mlle de Rochegaule.

Mais se reprenant très vite, tandis qu’une rougeur ardente montait à ses joues :

— Le fils du comte de Rochegaule.

Espérat inclina la tête :

— C’est bien lui.

— Et il est à Paris, demanda le capitaine d’une voix indistincte ?

— Je l’ignore. Mais, il y a trois jours, il se trouvait avec M. de Vitrolles, à Stainville, près Saint-Dizier, adressant un messager au comité royaliste de cette dernière ville, annonçant la venue des alliés avant un mois.

— Un mois… ils oseront une campagne d’hiver ?

— Peut-être commencée à cette heure… Mon père adoptif a emporté son vieux fusil dans la forêt d’Argonne, et moi, je viens pour parler à l’Empereur.

Une agitation étrange se manifestait chez l’interlocuteur de l’enfant. Soudain, il questionna :

— Où descendez-vous à Paris ?

— Sept, quai Malaquais, chez M. Antoine, fils.

— Bien, je m’occuperai de vous.

Et se désignant :

— Marc Vidal, capitaine… Souvenez-vous.

Mais le gamin n’écoutait plus. Pendant sa conversation avec Marc Vidal, les chanteurs s’étaient éloignés, entraînant avec eux le groupe ambulant des mélomanes de la rue, et là-bas, dans la percée étroite qui, à cette époque, continuait le couloir de la Croix des Petits-Champs jusqu’à la place du Vieux Louvre, occupée aujourd’hui par le square auquel s’adosse la statue de Gambetta, l’enfant apercevait un homme, s’éloignant rapidement.

Malgré le carrick au collet retroussé, jeté comme un voile sur la silhouette du promeneur, le gamin l’avait reconnu. Sa main s’étendit dans sa direction.