Quant au postillon, son zèle fut stimulé par ces paroles magiques :
— Un louis de guides, mon garçon ;… cours après.
Cinq minutes plus tard, l’équipage s’arrêtait devant l’hôtel des Cloutiers.
Fidèle à sa promesse, Lucile était prête au départ. Sans mot dire, elle prit place dans la voiture. D’Artin s’assit, en face d’elle, le postillon fit claquer son fouet avec la virtuosité de ses pareils et le véhicule s’ébranla.
Le voyage dura deux journées, pendant lesquelles le vicomte marcha de surprise en surprise. Il avait redouté ce tête-à-tête avec la victime de son ambition ; il lui avait paru invraisemblable que celle-ci ne profitât pas de l’occasion pour l’accabler de reproches. Cette chose invraisemblable se produisit pourtant.
Pas un instant Lucile ne se départit de la politesse froide, résignée, qu’elle avait adoptée depuis la mort de son père.
Enfin le 30 mars, vers cinq heures, après quelques détours causés par la recherche du gîte d’Enrik Bilmsen, les voyageurs mirent pied à terre devant une petite maison, située sur la route de Paris, entre Juvisy et Fromenteau, et, voisine d’un relai de poste.
C’était là que logeait Enrik.
Il était absent pour l’heure. Les maîtres de la maison, deux vieillards apeurés, l’homme et la femme, reçurent Lucile.
Ces gens tremblaient. Tout le jour on avait entendu le canon tonner dans la direction de Paris. Maintenant le silence régnait.
Qu’était-il advenu ?
Les troupes d’invasion avaient-elles été repoussées, ou bien la sublime épopée qui avait promené le drapeau tricolore victorieux sur le monde aboutissait-elle à l’entrée des barbares dans la capitale française ?
Plus impatient que