Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/371

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Qu’avait-elle donc ? Quelle raison l’obligeait à quitter la demeure qui lui avait offert asile ?

Soudain elle lève les bras, un objet brille dans sa main. Elle le considère, riant plus haut.

— Judith a frappé Holopherne, dit-elle d’une voix grinçante, surhumaine.

Puis elle lança l’objet sur la route. En heurtant la chaussée, celui-ci rendit un son métallique.

L’astre nocturne éclaire la place où il est tombé. On peut distinguer sa nature. C’était le couteau de chasse aiguisé par la jeune femme dans l’hôtel des Cloutiers, à Châtillon.

Et… détail horrible… des taches rouges maculaient la lame, la poignée.

Du sang !

Sur les mains de Lucile aussi, il y avait du sang.

Et elle riait toujours.

— Judith a frappé Holopherne, répéta la malheureuse… Enrik Bilmsen est mort… Les Rochegaule sont vengés !

Mais c’est la folie qui flambe dans ses yeux… ; c’est la folie qui palpite dans sa voix, qui dicte ses paroles incohérentes, ses gestes bizarres !

Folle ! Lucile ! oui, folle ! Elle a mis à exécution l’idée fixe née devant le lit funèbre de son père. Enrik Bilmsen, artisan de tous ses maux, a été condamné par elle.

Il git dans la chaumière, au milieu d’une large flaque rouge.

Elle a frappé d’une main ferme, mais sa raison a été broyée par la tourmente.

Elle rit :

— Libre… libre… clame-t-elle… Le sang lave la honte… Rochegaules, accourez-tous… il y a beaucoup de sang… lavez, lavez, spectres sinistres, lavez…

Et ses mains frottent avec rage une tunique imaginaire, avec le geste pressé et monotone d’une lavandière.

— Toujours la tache, reprend-elle en s’arrêtant… Toujours… La vie de Bilmsen ne suffit pas… il faudrait encore celle de d’Artin.

Dans un éclat de rire, elle poursuit :

— D’Artin… ah ! ah ! ah ! un gentilhomme félon… le frère de Lucile… l’ami du Roi.

Elle s’arrête à ces mots, semble interroger les environs, puis avec un grand cri :