— Ah ! le duc a rejoint l’Empereur ?
— Oui, depuis le 31 mars.
Le courrier eut un soupir :
— Bizarre… Cet homme dont on raillait la courtisanerie, ne délaisse pas le monarque dans le malheur. La flatterie était donc l’expression de son admiration… Oui, oui… cela m’avait paru ainsi… mon cœur ne me trompait pas.
Puis avec un geste insouciant :
— Il en faudrait beaucoup comme nous, acheva-t-il, et d’un pas agile il pénétra dans le château.
De vestibule en escalier, il gagna l’entrée des appartements de Napoléon. Là, les officiers de service, parmi lesquels figurait Marc Vidal, l’arrêtèrent une dernière fois.
Mais il n’eut pas besoin de répéter comme il le faisait depuis son entrée dans la résidence impériale :
— Message de M. de Caulaincourt.
Le capitaine Vidal le prévint :
— C’est Espérat Milhuitcent, laissez passer.
— Pardon, répliqua l’un des assistants, Sa Majesté a interdit qu’on le dérangeât.
— Sa Majesté aura plaisir à recevoir celui-ci… Au surplus j’accepte la responsabilité de la chose ; passe, Espérat.
Le jeune garçon profita de la permission. Il remarqua combien Vidal était maintenant différent de lui-même. Amaigri, le regard terne, le capitaine portait sur son visage les traces d’un incurable désespoir.
Personne n’occupait la première salle qu’il traversa… Personne encore dans la seconde… En face de lui, le jeune garçon aperçut une porte ouverte… un bruit de voix parvint jusqu’à ses oreilles.
— L’Empereur est là, murmura-t-il.
Il s’arrêta une seconde, comme hésitant :
— Mon pauvre Empereur, dit-il encore.
Mais se secouant avec une décision rageuse :
— Il le faut, acheva le courageux enfant.
Et il heurta à plusieurs reprises le battant de la porte. Sa présence ainsi annoncée, il entra.
Dans la salle aux larges fenêtres donnant sur le jardin d’honneur trois hommes étaient groupés autour d’une table-bureau : Napoléon, Berthier, Bassano.
Tous s’étaient retournés au bruit.