Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/387

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— Monsieur de Caulaincourt, dit-il.

— Quoi donc ?

— Retournez auprès de lui… ne le laissez pas seul une minute.

— Pourquoi ?

— Pour veiller à ce qu’il n’attente pas à ses jours.

— Mais s’il me renvoie…

— Il ne vous renverra pas… je vous demande une heure, une heure seulement.

— Qu’espères-tu donc ?

— Je vous le dirai… mais pas maintenant… chaque minute passée hors de sa présence est un danger pour lui.

Et comme le diplomate insistait, le jeune homme l’entraîna vers le perron :

— Allez, allez, monsieur de Caulaincourt… Vous serez au courant, je vous le jure… et nous l’empêcherons bien de mettre ses projets à exécution.

— Mais…, remarquez que je puis me tromper…, ma supposition ne saurait être considérée… comme une certitude.

— C’en est une pour moi,… retournez à ses côtés, je vous en conjure.

Tel était le trouble d’Espérat qu’il gagna le diplomate. Celui-ci ne résista plus ; d’un pas précipité il gravit les degrés et s’engouffra dans le vestibule.

Alors Milhuitcent traversa le jardin d’honneur, franchit la grille du palais et s’enfonça dans les rues de Fontainebleau.

À peu de distance, il avisa une droguerie, tenue, l’enseigne en faisait foi, par Ludovicus Varlot, bachelier es droguerie et herboristerie.

— Voilà mon affaire, se déchira le jeune garçon.

Et sans hésiter, il pénétra dans l’officine.

Parmi les bocaux, les herbes sèches, un petit homme, coiffé d’une calotte, sous laquelle s’ébouriffaient des cheveux gris, circulait d’un air affairé.

— Salut…, monsieur le bachelier es droguerie, fit gravement le visiteur.

Sans doute le négociant n’était pas accoutumé à pareille courtoisie, car il s’arrêta net et adressant un sourire aimable à Milhuitcent.

— Monsieur, dit-il, j’ai l’honneur de vous saluer.

Et se rapprochant de son interlocuteur, Milhuitcent continua d’une voix assourdie :

— Une personne de ma famille, atteinte d’une grande douleur, a en sa possession une certaine quantité d’opium…