Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/394

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Napoléon versa le contenu du sachet dans le verre, puis il remplit d’eau le récipient de cristal.

Un léger bouillonnement se produisit ; le liquide prit une teinte brune.

— Adieu, France… Adieu, mon fils… prononça l’Empereur.

Et il saisit le gobelet, le porta à ses lèvres, le vida d’un trait.

— Amer, grommela-t-il… Destinée étrange que la mienne… La mort elle-même contient une amertume.

Ce fut tout.

Méthodiquement, sans hâte, il se déshabilla, se glissa dans les draps.

— Demain, il n’y aura plus d’Empereur, fit-il avec un vague sourire, et il ferma les yeux.

Longtemps, il demeura sans mouvement.

Était-il mort ? Le poison du docteur Yven avait-il accompli son œuvre ?

Non. Au moment où trois heures du matin sonnaient, Napoléon se souleva sur son lit. Son visage était horriblement pâle ; une expression de souffrance s’y lisait.

— Oh ! fit-il les dents serrées, faut-il tant de douleur pour entrer dans le néant.

Sa voix résonna dans la pièce avec des inflexions lugubres.

— Ce répit m’est accordé, sans doute pour que je répare un oubli… Oui, Caulaincourt, il vaut un adieu, lui… et puis je lui confierai mon fils.

Il étendit la main vers la sonnette.

À l’appel, le valet, de chambre de service entra :

— Allez me chercher M. de Caulaincourt.

— À l’instant, Sire.