Puis il plia le papier, le glissa dans une enveloppe toute préparée, et tendant le tout au laquais :
— Veuillez remettre ceci à Sa Majesté, j’attends ses ordres… Service de l’Empereur.
Service de l’Empereur ! L’effet de ces mots fut magique. Le valet fit traverser la salle du billard aux visiteurs, les conduisit au salon, et bien qu’il fût à peine dix heures et quart, heure trop matinale pour se présenter chez Joséphine, il s’éloigna sans tarder pour remplir la mission dont on venait de le charger.
Tout étourdi, Espérat regardait sans voir, les yeux fixés sur la merveilleuse cheminée, constellée de gemmes, que le pape avait naguère offerte à Napoléon.
— Très jolie, murmura Bobèche, mais quand il n’y a pas de bûches dedans, elle ne chauffe pas plus qu’une autre.
Son compagnon ne répondant pas, il lui frappa sur l’épaule :
— Eh bien, mon brave, nous dormons ?
— Ce n’est pas cela.
— Alors ?
— Que va penser l’Impératrice… sans aucun droit, nous nous présentons comme…
— Ah ! c’est mon : Service de l’Empereur, qui te blesse. Ah ! çà, voyons, protéger Napoléon contre les traîtres, est-ce, oui ou non, lui rendre service.
— Sans doute.
— J’ai donc dit la vérité… dans les termes les plus avantageux, c’est évident… Mais le choix des termes… Je ne parle pas de ceux du propriétaire… cela s’appelle la littérature, et l’Empereur aime les arts.
— Oui, mais elle ?
— Joséphine… elle nous remerciera, nous bichonnera… je ne serais pas surpris qu’elle t’embrassât… tu es joli garçon.
Espérat rougit jusqu’aux oreilles :
— Allons bon, voilà que tu empruntes la couleur des coquelicots !… Infortuné Milhuitcent, tu te trompes de palette… ici c’est le séjour des roses.
Et narquois, le pitre ajouta :
— Avec cela… tu n’as peut-être pas l’habitude de couvrir de baisers les Impératrices.
Le fils de M. Tercelin n’eut pas le loisir de répliquer. La porte de la salle de billard s’ouvrit, et le laquais reparut disant dans un murmure respectueux :