Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/53

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— Une campagne d’hiver… allons donc. Ils attendront le printemps… et sur leur route, ils trouveront Napoléon avec l’armée de 300.000 hommes qu’il aura rassemblée d’ici là.

— Ils sont en France peut-être déjà…

— Impossible.

— Ils ne veulent pas que l’Aigle puisse reposer ses ailes meurtries.

— Non encore.

— Ils veulent abattre la France dont ils ont peur. À leur suite, marche un descendant des rois, que l’on nomme déjà Louis XVIII. En avant-garde, des émigrés, des gentilshommes apportent aux comités royalistes le mot d’ordre de l’ennemi.

Elle secouait la tête :

— J’ai surpris deux d’entre eux, acheva l’enfant avec une insistance rageuse… le vicomte d’Artin, le baron de Vitrolles…

— Ce dernier… factotum de M. de Talleyrand, appuya Bobèche.

Joséphine s’était levée, une métamorphose s’était opérée en elle ; la femme avait disparu pour faire place à l’amie, dont la tendresse dévouée pour l’Empereur ne se démentit jamais.

— Vitrolles… oui, oui, il y a du Talleyrand là-dessous.

Et, avec tristesse. :

— Mais Bonaparte — elle lui avait toujours conservé ce nom — Bonaparte est trop bon, il ne sait pas punir.

Et les mains crispées l’une contre l’autre, parlant avec son exubérance habituelle, sans souci des oreilles qui l’entendaient :

— Tout le monde l’a combattu, l’a jalousé… Il a pardonné. Ses frères… Lucien sacrifiant tout à l’argent ; Joseph fait roi d’Espagne, Louis fait roi de Hollande, ont été les pires ennemis de l’Empereur. Seul Jérôme, le dissipé, Jérôme qui a condamné à la douleur sa noble femme Catherine de Wurtemberg, Jérôme, roi de Westphalie, aime et vénère Napoléon. Les sœurs de l’Empereur, Élisa, princesse Bacciochi, Pauline, princesse Borghèse, l’ont compromis par leur conduite insensée ; Caroline épouse de Murat, reine de Naples, traite avec les alliés pour leur livrer l’Italie, après avoir spéculé sur la mort possible de celui à qui elle doit tout. Il a pardonné. Et les autres ; Bernadotte, roi de Suède par sa volonté, qui recrute dans ses États une armée destinée à envahir la France, sa patrie ; Fouché, trafiquant des secrets d’État ; Talleyrand en correspondance avec Metternich ce perfide ministre d’Autriche, Talleyrand, chargé jadis de négocier, avant qu’il fût question de Marie-Louise, le mariage de l’Empereur avec la sœur du Czar, et qui dit à ce dernier : C’est à vous, Sire, de sauver l’Eu-