Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/83

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CHAPITRE IX

Où Espérat agit en familier des Tuileries.


M. de Talleyrand sorti, Napoléon revint lentement vers le guéridon à trois pieds formés de lions dorés supportant des aigles aux ailes déployées, sur lesquelles posait la tablette de marbre.

Il se laissa tomber dans le fauteuil occupé tout à l’heure par le diplomate, et demeura immobile, sa tête pâle renversée en arrière sur le dossier sculpté.

Bientôt sous ses paupières closes filtrèrent deux larmes qui coulèrent sur ses joues. Seul dans la pièce, où le ciel gris versait une lumière blafarde, l’Empereur osait être homme ; il pleurait.

— Aucun ne comprend la fatalité de ma vie, dit-il doucement, d’une voix douloureuse comme une plainte. Talleyrand et ses conspirateurs m’accusent. Le Sénat, par la voix de Raynouard, de Laine m’accuse ; Cambacérès n’a pu l’empêcher de voter l’impression du rapport Laine où l’on m’enjoint de faire la paix. Plus que cela, le peuple m’abandonne. La paix, disent-ils, la paix. Mais la paix, malheureux, c’est la défaite ; c’est l’abandon des libertés conquises.

Il se tut un instant, puis les yeux levés vers le ciel :

— Ô Inconnu formidable qui as chargé mon front de la tâche lourde de créer une tradition à la Révolution française, de l’orner de souvenirs si