Espérat écouta le bruit des pas des deux hommes descendant l’escalier, puis certain de n’être pas dérangé, il sortit de sa cachette, traversa l’antichambre en courant et heurta à la porte du cabinet de l’Empereur.
Le battant s’ouvrit. Napoléon parut. Bouleversé à la vue du maître, l’enfant balbutia :
— Bonjour Sire, c’est encore moi !
En dépit de ses préoccupations, l’Empereur ne put s’empêcher de sourire à l’aspect de la mine effarée de son interlocuteur.
— C’est encore toi, je m’en aperçois bien… Que fais-tu là ?
En quelques mots, le petit expliqua comment il avait réussi à entrer aux Tuileries.
— Bien, bien, tu es adroit, audacieux… Peut-être trop… car si tu n’as pas une raison sérieuse à me donner pour justifier ta conduite, je te tirerai les oreilles.
Espérat se redressa, rassuré par l’expression bienveillante de l’Empereur.
— J’ai une raison sérieuse, Sire.
— Oh ! oh ! alors entre, Espérat.
L’enfant joignit les mains :
— Vous vous souvenez de mon nom…
— Comme de celui d’un jeune ami, fit doucement Napoléon. Ce matin, tu m’as prouvé ton dévouement… Je ne suis pas ingrat… Entre Espérat.
Et soudain :
— Où donc est l’officier de service.
— Un soldat est venu le chercher à l’instant… une sentinelle attaquée, je crois… C’est ce qui m’a permis d’arriver jusqu’à vous, Sire… et puis cet officier… le capitaine Marc Vidal… c’est de lui que je veux vous parler.
— De lui ?
L’Empereur attira le gamin dans son bureau, et refermant la porte :
— Qu’as-tu à me dire ?
— Ceci… M. Vidal est celui que j’ai rencontré hier, rue Saint-Honoré.
— Celui auquel tu as fait allusion ce matin.
— Celui qui a paru considérer comme impossible d’approcher de vous, Sire.
— Un de mes officiers d’ordonnance, pourquoi ce scrupule ?
— Je ne sais pas. Vous vous souvenez, Sire, que nous nous sommes séparés, moi pour conduire ma petite Emmie à son tuteur, lui pour suivre un homme en qui je venais de reconnaître le vicomte d’Artin.