— Capitaine Vidal, commença Napoléon, vous connaissez ce jeune homme ?
— Oui, Sire.
— Il dit donc vrai lorsqu’il prétend vous avoir parlé hier ?
— En effet.
Les sourcils de l’Empereur se froncèrent :
— Et vous l’avez bien quitté pour suivre le vicomte d’Artin, un ennemi, un royaliste qui conspire contre moi. Pourquoi m’avoir caché ces choses ?
Un tressaillement imperceptible agita Vidal. Mais sans doute, il s’attendait depuis un instant à la question, car il répondit sans hésiter :
— Nous nous étions trompés. Le personnage entrevu n’était pas d’Artin…
— Comment le savez-vous ? Est-ce que déjà vous vous êtes trouvé en sa présence ?
— Jamais, Sire.
— Je le pensais aussi. Ce gentilhomme a toujours vécu parmi nos ennemis, tandis que vous… Mais alors, Vidal, comment pouvez-vous déclarer avec certitude… ?
— Le vicomte, Sire, est le fils de M. de Rochegaule qui me sauva la vie, lorsque, atteint du typhus, je tombai sur la route en face de sa demeure. Un portrait de M. d’Artin existe au château. La toile était accrochée dans la pièce où j’étais enfermé… Je l’ai regardée souvent.
— Bon, bon, reprit l’Empereur avec un vague sourire… et ce n’était pas lui ?
— Non, Sire.
Quelle que fût la volonté du capitaine, il y avait un léger tremblement dans sa voix.
— Vous êtes certain, insista Napoléon, certain ?
— Oui, Sire.
— Eh bien, vous mentez, s’écria l’Empereur avec éclat ; mais changeant soudain de ton : tu mens, Marc Vidal, et comme tu n’as pas l’habitude du mensonge, je le vois.
L’officier avait fait un pas en arrière, une pâleur livide s’épandit sur son visage.
— Toi, un enfant des Tuileries, toi que j’aime, tu le sais… tu ne songes pas que tu déchires le cœur de ton général en le trahissant.
— Traître, moi, oh non, Sire, non cela n’est pas vrai.
Vidal avait chancelé sous l’outrage, ses mains tremblantes s’étendaient