Les gamins, dans leur cachette, échangèrent un sourire.
La « Barbare » faisait des progrès rapides dans leur estime…
— Donc, j’ai décidé qu’au lieu d’exiger votre trépas, madame la Duchesse, je me contenterais de vous punir d’une amende…
— C’est d’un homme désintéressé.
— Comme vous êtes injuste ! continua-t-il, toujours gracieux. Je ne vous connaissais pas, je n’avais aucune intention nocive à votre égard. Vous êtes venue vous jeter à la traverse de mes projets… et vous m’accusez au lieu de me remercier de ma mansuétude.
Sara haussa les épaules.
— Rentrez votre éloquence, voulez-vous ?… Et développez votre mansuétude… Je m’attends au pire… ainsi ne vous attardez pas en circonlocutions parfaitement inutiles.
Le géant marqua un geste approbateur.
— Vous savez déjà… j’ai donné l’ordre de vous mettre au courant, ce que j’ai fait pour nos jeunes amies, Mona et Lotus-Nacré ?…
— Oui.
— Leur mariage double avec le seul Dodekhan…
— Je vous ai répondu : « Oui »…
— Sans commentaires… Eh ! eh ! nous nous formons…
Elle ne releva pas la cruauté de la raillerie. Immobile, Sara attendit.
— Vous allez vous rendre à l’Hôtel Guillaume, où ces jeunes personnes sont actuellement avec leurs tendres pères. Vous les surveillerez, de façon à me rendre compte de leurs moindres paroles, de leurs actions les plus futiles en apparence.
— Bien.
— Demain, dans la matinée, un voyageur viendra de Kiao-Tcheou. Vous le reconnaîtrez aux boutons de cuivre de sa blouse, sur lesquels sera figuré en relief un masque. Vous lui remettrez cette missive,
— Il tendit un papier plié à son interlocutrice. — Vous ne demandez pas ce qu’elle contient ?
— À quoi bon ?… Je suis contrainte de vous obéir… je suis assurée que vous me faites commettre des infamies… En ignorer le détail est une atténuation que je m’accorde.