Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

inaltérables, impénétrables à l’eau… continua son interlocuteur… Tu fais deux tas de branchages à quelques pas l’un de l’autre ; tu les enflammes… un bouton dans chaque feu… et il deviendra vert.

Puis lentement :

— Ne t’étonne pas… des feux de Bengale, t’ai-je dit… Ceux-ci donnent la teinte émeraude uniquement parce qu’ils sont composés de chlorate de baryte, de calomel, de résine laque et de soufre.

Joyeux n’écoutait plus… Il regardait en l’air et soudain il appela :

— Sourire !

Comme un soupir, ces mots parvinrent aux deux causeurs :

— Je suis là.

— Détache la corde.

— C’est fait… la voici.

Et la fine cordelette tomba en raclant légèrement la muraille de granit.

Le gamin la tendit à Dodekhan.

— Gardez-la, Maître… elle vous servira peut-être.

Puis s’adressant de nouveau à la fillette, dont la forme se devinait vaguement au sommet de l’escarpement :

— Quand je me serai mis a l’eau… tu pousseras des cris… tu diras que je suis tombé…

— Oui… mais tu reviendras ?…

— Parbleu !… Il n’y a aucun danger, je nage comme un canard.

Et, à part, il murmura :

— Si je ne suis pas aplati contre un rocher, ou si je ne suis pas entraîné dans un boyau que l’eau remplisse complètement… il est évident que je reviendrai.

Mais il ne s’attarda pas à ces pensées, et se retournant vers Dodekhan :

— Maître, regagnez votre prison.

— Mais, essaya d’objecter le jeune homme…

— Oh ! nous avons dit tout ce qui était utile… Laissez-moi ici… j’attends votre signal et je pique une tête… Si vous restez… je pique tout de même… et alors on vous trouve là, personne ne croit à l’histoire que je viens de souffler à Sourire…

Il se penchait sur les eaux bondissantes…

— Attends, fit vivement le Maître… j’obéis, puisqu’il faut t’obéir.

— Laissez-moi la lampe.