Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
413
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Celui-ci la serra sans l’ombre d’une hésitation. Les deux hommes échangèrent ces mots rapides :

— Alliance loyale !

Et Log sonna. Au serviteur qui se précipita aussitôt sous le champignon aux vanilles, il dit doucement :

— Reconduis le prisonnier auprès de ses camarades.

Demeuré seul, il adossa son buste mutilé contre le dossier du fauteuil, et avec une expression ironique, sauvage, triomphante et désespérée :

— Oui, c’est cela… pardonner à cette petite pécore, dont la sottise m’a réduit à l’état d’épouvantail… Que me donnerait leur mort ? Rien, ou presque… Un instant de haine satisfaite… et après… le néant… Je suis trop horrible pour être un homme… Le ridicule, je n’en veux pas… Par la terreur, je serai Dieu !

Cependant, Lucien de la Roche-Sonnaille suivait docilement son guide à travers les méandres du jardin.

Il affectait un air dégagé, sifflotait une fanfare de chasse en promenant ses regards sur les palmiers élancés.

Et, pourtant, sous ce masque d’indifférence, sa pensée bouillonnait. Tout bas, il monologuait :

— Il faut les tromper… tromper Sara surtout… Elle refuserait la liberté si elle savait. Pauvre ! pauvre chérie !… Il le faut pourtant… Je l’aime… et je suis un la Roche-Sonnaille.

— Qu’est-ce que te voulait ce bandit ?

C’est par ces mots que Sara accueillit le duc lorsqu’il rentra dans la salle où l’attendaient ses compagnons de captivité.

Lucien lui adressa un salut cérémonieux.

— Des choses charmantes.

— Hein ! fit-elle, étonnée, tu plaisantes ?

— Je ne plaisante jamais des choses sérieuses… Juges-en… Et vous aussi, Dodekhan, et vous, mademoiselle Mona.

Ces deux derniers, assis l’un près de l’autre auprès d’une fenêtre, levèrent la tête.

— Le seigneur Log m’a fort gracieusement offert la liberté.

Dodekhan seul gardait le silence. Il dit tristement :

— Ne vous réjouissez pas, je vous en conjure… Les conditions sont inacceptables.