PREMIÈRE PARTIE
I
VOYAGE DE NOCES
— Lucien !
— Sara !
— Qu’est-ce que tu en penses, de la Hollande ?
— Je n’y pense pas.
— Ah ! tu les ménages, tes méninges !… Non, là, entre nous, ça ne te fatigue pas de ne jamais penser à rien ?
— À rien ! à rien ! bougonna Lucien… Je pense à toi, à notre mariage si récent, je pense à mon bonheur…
Sara fut secouée par un fou rire.
— Tu en as l’air ! Avec cette figure d’enterrement, ton bonheur semble fait de condoléances rentrées.
L’interpellé eut un geste de mauvaise humour ; oh ! un geste menu, très distingué, n’ayant rien d’ample ni de vigoureux : un de ces gestes qui convenaient à sa silhouette élégante et fine, mais frêle ; au blond cendré de ses cheveux courts et de sa moustache soyeuse tombant à la gauloise ; à son visage régulier, mais pâle, dépourvu de tout trait accentué ; à ses yeux bleus enfin, très doux, mais voilés, comme embués de brume, fenêtres mobiles d’une âme engourdie, regards qui dénoncent l’absence du vouloir, l’abandon à la veulerie.
Son complet de voyage, du bon faiseur, eût sem-