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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

nant l’assemblée d’actionnaires, d’ouvriers européens ou chinois, auxquels s’adressait sa harangue.

Auprès de lui, son épouse (die Gattin), Fraü von Lap, Flugelle de son Taufname (prénom), s’éventait avec rage.

Petite, courte, grasse, elle dressait, au-dessus d’une robe de soie brodée de fleurs, sanglée comme une cuirasse, une tête ronde, casquée de cheveux roussâtres. Elle semblait avoir très chaud ; était-ce l’émotion ou la température qui en étaient cause ? On ne saurait rien affirmer à ce sujet, mais le fait n’en existait pas moins, et son teint devait paraître étonnamment suave aux amateurs de cramoisi.

— Oh ! mon Fousse, murmura-t-elle dans un tendre grognement, j’admire votre éloquence… elle conviendrait au Chancelier de l’Empire lui-même.

Le gouverneur lui décocha une œillade satisfaite en lui offrant galamment le bras pour descendre de l’estrade.

Tous deux se mirent dignement en marche, au milieu des membres du Conseil d’administration, tandis que le public gagnait les diverses issues.

Ah ! le fonctionnaire germanique pouvait à bon droit être fier.

Son administration réalisait sans effort de véritables merveilles. Le petit port de Kiao-Tcheou, loué à bail au gouvernement chinois, était devenu un formidable point d’appui, avec ses nouveaux bassins, ses forts détachés… La pénétration allemande avait été aidée par le bon vouloir de la population, dont le gros personnage, gros dans tous les sens, s’attribuait modestement tout le mérite. Et c’est ainsi qu’à Fas-Yen, au centre du massif du Chan-Toung, dont les cascades, la houille blanche, une fois captées, avait pu s’établir une usine modèle, disposant d’une force de 80.000 chevaux, et dont les innombrables machines-outils, mues par l’électricité, concurrençaient victorieusement l’industrie européenne.

Trois jours plus tôt, un courrier spécial avait apporté au fonctionnaire les félicitations autographes de l’empereur de Berlin. Aussi le ménage von Lap portait haut la tête, se carrait, se gonflait, bien qu’il n’eût pas besoin de cet effort pour paraître volumineux.

Cependant le hall se vidait, laissant apercevoir les machines de cuivre et d’acier correctement alignées