Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/269

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Dans le cyclone des plus grandes douleurs, il se produit ainsi des accalmies, repos que la nature impose à l’obéissance machinale de l’être, sans doute pour lui permettre de reprendre les forces nécessaires à supporter l’étreinte de la souffrance. Ainsi quand le vent hurle en tempête, de longs silences succèdent subitement aux rugissements des rafales. Le vent reprend haleine avant de se ruer de nouveau.

Tous écoutaient. Leurs regards cherchaient à percer l’ombre. Pourquoi cette attention ? Espéraient-ils quelque chose des nouveaux venus. Non, sans doute. Pourtant, toute leur personne était tendue vers les inconnus.

Ceux-ci se rapprochaient ; on entrevit d’abord un grouillement d’hommes et de chevaux à la lisière de la nuit. Les êtres se précisèrent, s’avançant dans la clarté. Au-dessus d’eux se balançaient, tels des follets, les flammes fuligineuses de torches.

Ils progressèrent encore. Une longue théorie de cavaliers se montra, côtoyant le brasier.

Ce sont des serviteurs qui portent des torches, éclipsées à cette heure par la torche géante qu’est le palais de Mohamed ; une trentaine de guerriers, fièrement drapés de burnous, le fusil damasquiné à l’arçon, le sabre recourbé à la botte, suivent, semblant ouvrir le chemin à leur chef, un Arabe du type le plus pur, un de ces roitelets des déserts arabiques, souverains maîtres d’une tribu et d’une oasis.

Celui-ci faisait caracoler son cheval, superbe animal de race syrienne, à la tête busquée, au col flexible, aux jambes nerveuses.

Mais tout cela ne justifierait pas le cri étouffé qui monte aux lèvres des voyageurs, le tremblement convulsif qui les agite, le mouvement inconscient qui fait se tendre leurs bras en avant.

Non. Ce qui les immobilise, les fige sur place, c’est la vue d’un étendard inédit, sorte d’oriflamme, ter minée par deux pointes séparées, et qu’un Arabe de haute taille, évidemment très fier de son fardeau, porte au bout d’une pique.

Dans cet oriflamme, les voyageurs ont reconnu une forme familière, une couleur qu’ils ont rappelée bien souvent, et tous murmurent avec un ahurissement inexprimable :