Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/320

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— Mensonge ! M’auriez-vous ravi la liberté pour me la rendre ensuite.

— Il le fallait, jeune fille. Je n’étais pas libre ! Sache que si les Druses ne voyaient pas tes cheveux dorés dans la demeure de Mohamed, ils te poursuivraient par toute la terre, et tu tomberais sous leurs coups, sans que mon dévouement pût te sauver.

Étourdie, terrifiée, se débattant sous l’impression de ce cauchemar éveillé, Sika, de ses mains tremblantes, se pressait le front qui lui paraissait près d’éclater.

Chacune des paroles de son mystérieux compagnon augmentait son affolement. Ses explications incomplètes épaississaient les ténèbres morales embrumant son cerveau.

Eut-il pitié d’elle ?

Peut-être, car il reprit d’un accent voilé :

— Vous vous demandez pourquoi, étant décidé à vous protéger, j’ai consenti à accomplir le rapt criminel…

— Vous dites vrai, répliqua-t-elle avec effort, et je ne trouve aucune réponse possible.

— Elle est simple cependant, cette réponse. J’ai assumé la tâche méprisable, odieuse, uniquement afin d’empêcher qu’un autre, n’ayant pas les mêmes dispositions à votre égard, fût chargé d’exécuter l’ordre barbare.

Puis baissant encore la voix, mettant dans son accent comme une ferveur :

— Défiez-vous des oreilles de l’homme qui est au volant. C’est une créature du conseil. S’il soupçonnait mes projets, je périrais, ce qui n’a qu’une minime importance ; mais de plus il me deviendrait impossible de vous sauver. Votre beauté serait consumée par les flammes !

Une conviction profonde vibrait dans l’organe du prince. S’il s’était proposé de plonger sa compagne jusqu’au fond du gouffre de l’épouvante, il pouvait se targuer d’avoir réussi. La jolie Japonaise ne doutait plus de sa sincérité, et cette foi douloureuse se traduisait par un tremblement convulsif.

Toutefois, en curieuse fille d’Eve, curieuse même en face du trépas, elle interrogea encore que son accent se faussât, que son organe s’étranglât dans sa gorge.