Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuples ; et tandis qu’Anglais et Russes se disputeront la souveraineté politique du royaume, l’Autriche accaparera les avantages commerciaux, de beaucoup préférables.

Frantz, l’introducteur du consulat à Bassorah, s’inclina dans un mouvement qui faisait honneur à la flexibilité de sa colonne vertébrale, et se précipita vers la porte de l’élégant cabinet de travail où le comte Piffenberg prélassait son importance.

Le haut fonctionnaire, lui, gonfla ses joues encadrées de favoris à la François-Joseph, hocha la tête d’un air très satisfait et promena son regard bleu pâle sur ce qui l’entourait.

Oh ! ce regard ! ce regard avait aiguillé la carrière du consul. Son inexpressivité lui avait tenu lieu de profondeur. Et le jour où la sémillante archiduchesse Madalena lui avait décerné le sobriquet de : « Œil de verre », sa fortune avait été assurée.

Tout, autour de lui, disait sa grande pensée consulaire : Flatter les indigènes.

Son cabinet du plus pur style persan, aux murs tapissés de céramiques teintées et agrémentées de motifs fleuris, avait l’aspect d’une vaste salle de bains, dans laquelle s’étonnaient de figurer son bureau, ses fauteuils et cartonniers, dont le bois d’acajou, les cuivres fondus et dorés, avaient la prétention de rappeler le style Empire.

Mais la porte se rouvrit. Frantz annonça d’une voix discrète :

Mlle  Tabriz et M. Rimgad, ramousi.

Les deux hindous qui, le jour même, servaient au caravansérail des Turbans-Verts la collation du général Uko et de ses compagnons, pénétrèrent dans la pièce, dont la porte se referma derrière eux.

Ils saluèrent par trois fois, élevèrent leurs mains en coupes au-dessus de leurs fronts, puis ils se tinrent immobiles, attendant que le consul voulût bien leur adresser la parole.

Celui-ci les enveloppa d’un coup d’œil, qu’en son for intérieur, il qualifiait prétentieusement de scrutateur, parut voir la jeune hindoue avec plaisir, fit claquer sa langue comme un connaisseur dégustant un verre de bon bourgogne, et enfin se décida à prononcer de la plus aimable façon :