Page:Ivoi - Le Message du Mikado.djvu/405

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Ces appels dénonçaient un danger. Les correspondants inconnus s’étonnaient du mutisme du poste d’Aden. Et alors… alors…

Aussi, le jour venu, point ne fut besoin de presser le départ.

Tous se trouvèrent prêts quand Sika déclara :

— Rien ne nous retient ici.

— Ah ! fichtre non, nous ne sommes pas retenus, au contraire.

Et sur cette exclamation de Marcel, la petite troupe se mit en route, avec une hâte qui eût fait penser à une fuite.

Ils eurent à peine un regard pour l’aéroplane gisant sur le sol, tel un grand oiseau abattu par le plomb du chasseur.

Personne ne parlait. Seule Emmie, précédant ses compagnons, soliloquait avec la verve intarissable que l’amusante petite créature avait puisée sans doute dans l’atmosphère parisienne.

La peur d’être repris talonnant les quatre fugitifs, ils eurent bientôt traversé le plateau du Djebel Chamchan.

Sur le rebord oriental, ils s’arrêtèrent un instant.

Les pentes dévalaient devant eux, et, tout en bas, se mirant dans l’onde glauque que le soleil piquait de paillettes d’or, ils apercevaient l’île d’Aden, reliée à la terre ferme par un isthme sablonneux, qui découvre seulement à marée basse.

Des navires, des chaloupes légères évoluaient dans le havre abrité de la station britannique.

Les jardins enveloppaient de leur cadre vert les maisons blanches.

Au débouché de la crête aride, calcinée, on avait l’impression d’une fenêtre ouverte sur un Éden.

— Les Hébreux, remarqua Emmie, durent avoir une sensation analogue, lorsque la terre de Chanaan apparut à leurs yeux.

Personne ne releva l’observation.

Des préoccupations trop graves harcelaient le général et ses amis. Il fallait l’insouciance invincible de « la petite souris », pour se livrer à ce moment à des réminiscences de l’Ancien Testament.

Du reste, il devait être indifférent à la fillette d’être approuvée ou non par ses compagnons, car elle s’en-