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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/117

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tive n’eut aucune peine à reconnaître un grog au gin. Mais en regardant avec attention, il s’aperçut que la concierge, altérée, mélangeait très peu d’eau chaude avec beaucoup de gin.

Vraisemblablement, l’eau devait être contraire à la santé de la bonne dame.

— Dix heures moins le quart, fit-il, j’ai le temps.

Il tira la sonnette. Un déclic, l’huis s’entre-bâilla. Prestement, le détective se coula à l’intérieur et se trouva dans un couloir, à l’extrémité duquel on distinguait, à la vague clarté d’un bec brûlant en veilleuse, les premières marches de l’escalier accédant aux étages supérieurs.

À droite, une porte vitrée annonçait l’entrée de la loge.

— Qu’est-ce que vous voulez ? gronda une voix éraillée.

C’était l’habitante du lieu, trahissant par son accent désagréable son déplaisir d’être troublée dans la confection de sa boisson favorite.

Au lieu de répondre à la question, Dick appela sur ses traits une expression admirative, et de l’air d’un gourmet subissant le supplice de Tantale, il s’écria :

— Quel parfum ! On croirait flotter dans un brouillard de gin… Du gin, que dis-je ? un nectar divin… Jamais je n’ai respiré pareil fumet. Sans indiscrétion, mistress, où vous procurez-vous ce gin merveilleux dont l’atmosphère est embaumée ?

La face couperosée de la concierge s’était déridée.

Comme tous les buveurs, elle avait la prétention de confectionner son breuvage mieux que quiconque. Du premier coup d’œil, Fann l’avait bien jugée.

— Oh ! fit-elle, ce n’est pas un mystère. J’achète mon gin à l’angle de la 77e rue. C’est le gin de tout le monde.

— En ce cas, mes félicitations vont à votre tour de main. C’est votre habileté qui donne au gin cet arôme…

La concierge se redressa. D’un ton amène, elle minauda :

— Ce gentleman est sûrement un connaisseur.

— Ma foi, je l’avoue. C’est même cette qualité de connaisseur qui vous fera excuser l’incorrection de la requête que je veux vous adresser.

— Incorrect, vous ? protesta la commère, décidé-