— Quel accident ? gronda le mécanicien.
— Eh ! le sais-je ?… D’ici à San-Francisco, nous aurons plus d’une occasion. Et les deux femmes livrées à elles-mêmes, rien ne nous empêchera de reprendre notre plan primitif.
Le joaillier s’était levé. Ses compagnons l’imitèrent. Je compris qu’ils allaient se séparer.
Il fallait donc regagner mon logis et me glisser dans mon lit. La clef étant restée en dehors, rien en effet n’empêcherait un curieux de pénétrer chez moi. Donc, je repris mon chemin aérien, le long de la corniche.
Une minute plus tard, je m’enfonçais sous mes draps.
Il était temps. Presque aussitôt la clef tourna dans la serrure, la porte s’entre-bâilla avec un léger sifflement. Une tête se montra, puis disparut.
Le battant se referma, et je remarquai que l’ennemi, sans doute rassuré par mon immobilité, ne prenait pas la peine de donner un tour de clef.
Du 2 au 5 mars. — Le chemin devient de plus en plus mauvais.
North-Platt, Ogullala, Big-Springs se succèdent. Des localités sinistres, aux rues boueuses et noires, et dont les habitations émergent au milieu d’un océan de neige. Je suis éreinté… je ne dors plus depuis que j’ai éventé les projets de Natson et de ses associés.
J’ai pu en aviser Mlle Fleuriane. Alors, elle m’a dit :
— Veille la nuit. Le jour, je veillerai pour nous deux. Dors dans la voiture pendant la marche.
J’ai obéi, mais ce sommeil-là ne repose pas. Avec les routes mal entretenues on fait des bonds continuels ; puis c’est une « bougie » qui brûle, un pignon qui se fausse, des réparations chez les maréchaux ferrants de village.
Ce misérable Natson semble prendre plaisir à troubler mon repos.
Il me parle, il me secoue pour me faire remarquer ceci ou cela.
Le 5, on fait halte à Big-Springs. On a mis cinq jours à parcourir trois cent six kilomètres, soit une moyenne de soixante et un par jour. À quinze heures de marche environ, cela donne un peu plus de quatre kilomètres à l’heure, la vitesse d’un piéton qui traîne la jambe.