— Saurais-tu conduire l’auto pour une journée ? À Ogden, vous trouverez des mécaniciens qui vous piloteront jusqu’à Frisco (San-Francisco, contraction habituelle en Amérique).
— Dame, je crois.
Nous sommes sur l’auto. Le patron arrête net son cheval. Il étend le bras. Une détonation. Natson s’abat, le crâne troué.
Et sans prendre garde aux exclamations de Mlle Fleuriane : « Monsieur Dick Fann, vous, vous enfin ! » il tire le mécanicien à terre avec ces mots :
— Les loups mangeront.
Il me place au volant.
— Nous vous escorterons jusqu’au prochain poste sur la voie. Pour tout le monde, Natson est tombé accidentellement. Mon nom ne doit pas être prononcé.
Puis il s’approche de Mlle Fleuriane, il lui tend la main qu’elle serre longuement. Mais qu’est cela ? Elle est tout près du bonhomme pain d’épices. Il a le bras autour de sa taille. Et les yeux pleins de larmes, elle murmure :
— Mon père, mon père ! monsieur Dick Fann, veillez sur lui.
Son père… avec cette couleur-là… Allons donc ! Je suis idiot, c’est un déguisement. Bien sûr, c’est encore le « patron » qui a fait des siennes.
Enfin, on se remet en marche, nos deux sauveurs trottant à la portière, et avant que la route tourne, j’ai le temps d’apercevoir les loups qui se disputent le corps de Natson.
Tout en filant, Dick parle. Il explique qu’il ne nous a pas perdus de vue. Par le chemin de fer il nous précédait, passait la nuit dans les mêmes hôtels que nous, surveillant Larmette et ses acolytes, qui ne s’en doutaient pas.
Je comprends tout maintenant : le pneu remplacé, l’arrivée si opportune à mon secours.
Ah ! le poste où l’on va se séparer.
Mlle Fleuriane a les larmes aux yeux. Mais les cavaliers s’éloignent. Ils partent. Ils sont partis et ont disparu derrière une éminence rocheuse.
À Ogden, ce que Larmette a fait une figure quand il a appris que Natson, tombé d’automobile, avait été dévoré par les loups, sans que nous pussions le secourir.