Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/241

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attention d’abord, puis avec surprise. Enfin elle brandit les feuillets avec un geste tragique, laissant tomber ces mots :

— C’est incroyable, ce que me trace la jeune dame !

— Et que vous trace-t-elle ?

— Cela n’a rien de confidentiel, je puis donc vous en donner lecture.

« Chère miss,

Je serai retenue pour un long temps, loin de Jippy-Pavilion. Afin de régulariser ma situation vis-à-vis de cet estimable établissement et d’éviter toute cause d’inquiétude à la direction, je vous envoie sous ce pli la valeur en papier-dollar de ma dépense. Le surplus est destiné aux gratifications pour le personnel.

« Agréez mon meilleur souvenir,

« Fleuriane Defrance. »

Les auditeurs s’entre-regardèrent avec ahurissement. Ce départ anormal, venant s’ajouter aux incidents singuliers du jour, provoqua une véritable tempête de demandes.

— D’où vient cette lettre ? Il eût fallu le demander au porteur.

— Inutile. C’était un commissionnaire du port. C’est donc du port qu’elle a été expédiée.

— Du port ?

Ces deux mots passèrent comme un rugissement. Larmette, le visage contracté, les avait lâchés avant même de songer à les retenir.

Sans s’inquiéter de l’étonnement des personnes présentes, il entraîna brutalement Botera au dehors, le tira vers le pavillon-villa qui avait été affecté à Fleuriane et à sa suite.

— Qu’est-ce ? Qu’avez-vous donc ? balbutiait le Chilien, à demi étranglé.

— Ah ! vous ne comprenez pas… Le port… Elle nous glisse entre les mains peut-être, elle nous échappe.

Les portes de la villa n’étaient point fermées. Les deux hommes y pénétrèrent, l’un remorquant l’autre. Ils parcoururent les chambres de Fleuriane, de Patorne, de Jean Brot, le parloir… Tout était vide, abandonné.