Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/244

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Patorne eussent occupées si elles avaient pris passage à bord du bâtiment.

Sous couleur d’amadouer sa dame de compagnie, la jeune fille la conduisit d’abord au compartiment réservé à la ridicule personne, attention dont celle-ci se déclara touchée.

Là, par exemple, le ton changea brusquement.

En pénétrant dans la cabine, Mme Patorne eut un haut-le-corps.

— Ma valise ! mes cartons ! ma mallette ! s’exclama-t-elle stupéfaite.

C’est vrai, les objets désignés apparaissaient, soigneusement arrimés.

— Qu’est-ce que cela signifie ? clama-t-elle en se tournant vers Fleuriane.

Mais elle se rejeta en arrière si précipitamment qu’elle tomba assise sur la couchette avec un cri de terreur.

La Canadienne la menaçait d’un revolver. Joli, ce revolver au canon d’argent damasquiné or, à la façon des bijoux de Tolède ou d’Eibar, avec sa crosse d’ivoire ; mais la beauté d’une arme à feu ne développe pas du tout le désir d’entrer en conversation avec elle.

— Juste ciel ! gémit la dame de compagnie, cette enfant serait-elle devenue folle ?

L’enfant riposta par un joyeux éclat de rire.

— C’est un quart d’heure, vingt minutes à passer où vous êtes. Sur l’honneur, je n’appuierai sur la gâchette qu’au cas où vous voudriez sortir.

— Vingt minutes ! Mais le bateau sera parti dans vingt minutes.

— Justement.

— Et je veux rester à San-Francisco.

Ici, Fleuriane fronça ses sourcils gracieusement arqués, et avec une gravité parfaitement jouée :

— Moi, je veux partir pour l’Alaska.

— Hein ? quoi ? vous ?… comme cela ?… Mais ça ne se fait pas.

Patorne bégayait ahurie. Elle se dressa toute droite, prête à s’ouvrir un passage par la force.

Mais, souriante, Fleuriane étendit le bras. Le canon d’argent se braqua sur le corsage de la dame de compagnie.

Celle-ci se laissa retomber sur la couchette avec un gloussement de frayeur.

— Vous tireriez sur votre fidèle amie !