Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/275

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Elle regretta aussitôt la question montée à ses lèvres. La vieille dame avait répliqué sans manifester la moindre hésitation :

— C’est l’aubergiste Firino.

Fleuriane voulut pousser l’accusatrice dans ses derniers retranchements. Aussi y eut-il une nuance d’ironie dans son accent, lorsqu’elle prononça :

— Et vous savez sans doute quand ce pauvre diable vous administra le poison, puisque vous tenez pour le poison ?

À sa profonde surprise, l’interpellée lança nettement cette double affirmation :

— Hier soir… La limonade de lichen.

Et comme la jeune fille sursautait, brusquement étreinte au cœur par un pressentiment sinistre :

— Je vous ai signalé son goût désagréable… j’en ai bu toute seule… Et voyez, vous ne ressentez aucun malaise, ni les uns ni les autres ; moi, je vais mourir.

Elle agita désespérément les bras, poussa un cri déchirant et se renversa en arrière.

Épouvantée par ce brusque dénouement, Fleuriane bondit vers la porte pour appeler au secours. Elle ouvrit et s’arrêta surprise ; l’aubergiste se tenait en face d’elle, tout décontenancé. L’homme écoutait certainement à la porte un instant plus tôt.

— Ze vénais por le cas où la signorina aurait bésoin di son servitour.

Le moment n’était pas aux reproches. Il importait avant tout de porter secours à la malheureuse dame de compagnie privée de sentiment.

— Veuillez prier mes amis de monter sans retard et courez prévenir un médecin. Il y a un médecin, je pense, à Port-Clarence ?

— Si, si, signora. Lou dottore habite dans oune rue toute prossime. Oun bono dottore. Il donne le bras à la guérison. Zé vais, zé lé ramène… l’eccellentissimo, et loui, il étend la main, pas plous ; non pas plous, et lou malade, il rit, il danse, il est salvato.

Tout en baragouinant, il courait à l’escalier accédant à la salle du rez-de-chaussée où Fleuriane avait laissé ses amis. Ceux-ci, d’ailleurs, attirés par le cri douloureux de Mme  Patorne, montaient déjà.

Aux questions étonnées des nouveaux venus, elle répondit brièvement par un récit résumé de son entretien avec la dame de compagnie.

Dick Fann secoua la tête d’un air de doute.