Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/294

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Oui, oui, il se livrerait, il livrerait les corindons du trust des joailliers ; sa fortune serait employée à rembourser ses cotrusteurs. Il serait ruiné peut-être, mais bah ! Fleuriane lui apporterait le réconfort de son sourire. Il se remettrait au travail avec ardeur et… et ce brave, ce loyal ami, Dick Fann, debout à côté de lui, partagerait son labeur.

Ils seraient deux à peiner pour le bonheur de sa bien-aimée Fleuriane.

Mais une phrase du détective-amateur glaça sa joie renaissante :

— Seulement, disait ce dernier, il faut gagner la côte. En aurons-nous le temps ?

Comme pour répondre à la question, un craquement sinistre passa dans l’air. Tous se dressèrent, même le Péruvien que Jean venait de débarrasser de ses liens. Puis, des détonations crépitèrent dans toutes les directions. On eût cru que se livrait un acharné combat d’artillerie. La croûte glacée qui portait les voyageurs vibrait sous leurs pieds.

— C’est la débâcle, murmura Dick Fann d’une voix étranglée. Pressons-nous de gravir les pentes de l’île Diomède, ou nous sommes perdus.

Et, tandis que le vacarme redoublait d’intensité, que des déchirures, incessamment agrandies, se produisaient à la surface de l’icefield, les quatre personnages, égarés au milieu de ce délire des choses glacées, s’élancèrent à toutes jambes vers l’îlot, abandonnant les débris du traîneau, les armes, provisions, vêtements, répandus sur la glace qui allait se disloquer.

Ainsi qu’on l’a vu, les pentes orientées vers le nord présentaient une inclinaison modérée. Elles montaient jusqu’au sommet des falaises sans raideur, sans ressauts brusques.

Bientôt les fugitifs se trouvèrent perchés au sommet de la hauteur.

Nulle part, le roc ne se montrait à nu. Partout la glace, sur une épaisseur impossible à évaluer, recouvrait le sol ; mais ils savaient que, sous cette enveloppe, le granit assurait à leur abri des assises solides qui, depuis les origines du monde, avaient résisté aux dégels annuels.

Et rassurés pour la minute présente, ils regardaient le cataclysme grandiose qui s’accomplissait sous leurs yeux.

Toute la surface des eaux semblait bouillonner.

Les glaçons brisés jaillissaient parfois à plusieurs