Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/300

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et fit couler quelques gouttes de l’élixir entre les dents serrées de celui qu’il avait appelé Defrance.

L’effet en fut instantané. Les tons verdâtres marbrant le visage du père de Fleuriane disparurent, remplacés par une teinte vivante. Les narines pincées se dilatèrent, les paupières eurent une légère palpitation.

— Bon ! poursuivit l’homme, un bol de bouillon, et il sera en état de m’entendre. Mais auparavant, il faut le mettre dans l’impossibilité de résister.

Dans un angle de la pièce, il ramassa un rouleau de cordelettes, et méthodiquement en ligota le patient auquel il ne laissa libre que la main droite.

— Là, fit-il encore avec satisfaction. Le voilà prêt pour la conversation. Au bouillon maintenant.

Au-dessous d’un trou circulaire percé dans le toit pour l’échappement de la fumée, un foyer rudimentaire, formé de pierres accolées, supportait une marmite de campement, dont les flancs étaient léchés par les flammes d’un combustible étrange, donnant l’illusion de mottes de gazon desséchées.

C’était la tourbe particulière à l’est sibérien, cette tourbe arrachée à la surface des toundras, immenses solitudes, glacées durant l’hiver et se transformant en marécages pendant la brève saison d’été.

L’homme souleva le couvercle ; une vapeur odorante se répandit dans la salle.

— Eh ! eh ! le brave homme va goûter un consommé de roi. Si Botera n’était pas aussi complètement mort, il se réveillerait pour tâter d’un semblable bouillon.

Comment le joaillier se trouvait-il là ?

Oh ! d’une façon bien simple. Après la conversation cruelle que Larmette avait eue avec Fleuriane sur les rochers d’East-Cape, en face des îles Diomèdes, le sinistre aventurier avait aperçu l’iceberg flottant, sur lequel Dick Fann et ses amis s’agitaient désespérément.

Une lueur avait éclairé son esprit.

Le courant froid du pôle descend vers le sud en prolongeant de très près la côte asiatique. Il fallait l’accompagner et observer du rivage la montagne de glace, sur laquelle ses adversaires étaient prisonniers.

Avec son automobile de cent chevaux, rien de plus facile.

Ainsi il aurait la certitude de l’engloutissement de ses ennemis, ou bien, peut-être, le hasard les lui