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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/348

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habitants, ex-forçats des mines dont la peine a été commuée en celle de l’exil sibérien que l’administration russe désigne par cet euphémisme : colonisation.

Les colons sont soumis à l’obligation de résidence. Il leur est interdit de rentrer dans la mère patrie. Et trois sotnias de cosaques sont chargées de faire respecter ces conditions par tous.

D’autre part, Podolskii étant une bourgade où les voyageurs du Transsibérien ne marquent point d’escale, car ils préfèrent avec raison séjourner dans la ville importante d’Irkoutsk, de l’autre côté du lac Baïkal, aucun hôtelier n’a eu l’idée d’ouvrir un caravansérail.

Si bien que les cinquante passagers du train, condamnés à résider quelques jours en cette localité, durent solliciter l’hospitalité des habitants, lesquels, du reste, s’empressèrent de l’offrir.

Avoir un étranger apparaissait à ces pauvres gens comme une faveur. Quelle distraction pour ces pionniers vivant en marge de la société !

Dick Fann, lui, ne connut pas les anxiétés des autres voyageurs.

Une lettre-circulaire, que M. Milkanowitch lui avait fait remettre avant son départ, présentait le détective amateur sous la forme la plus élogieuse, priant notamment tous les commandants de forces militaires ou policières de faciliter la marche de l’homme qui venait de délivrer Vladivostok d’une terrible association de malfaiteurs ; cette lettre lui ouvrit d’emblée le logis de l’hetman ou capitaine des cosaques casernés dans la cité.

Un type, cet hetman ! Quarante ans, court, carré, légèrement bedonnant, la face large d’un Kalmouk encore élargie par d’épais favoris à la russe ; flanqué d’une épouse qui, sauf les favoris, présentait une laideur identique à la sienne, et père d’une douzaine d’enfants, garçons et filles, aussi parfaitement laids que les auteurs de leurs jours.

Cet homme s’inclinait et saluait profondément quand il lui arrivait de parler du tsar de toutes les Russies. Le reste du temps, il émaillait sa conversation des jurons les plus étranges que, régulièrement, il faisait suivre de ce correctif incompréhensible :

— Sauf le respect que je dois à saint Ourounalmèje !

Qu’était ce saint, dont aucun calendrier n’a soupçonné l’existence ? Quel pacte secret unissait le cosaque et ce personnage sanctifié par lui ? Personne,