Il réussit à atteindre l’endroit où la tête de Jean Brot dépassait la surface, et présentant les liens immobilisant ses mains à hauteur des lèvres du gamin :
— Tu as de bonnes dents ? dit-il.
— J’en avais, répliqua le petit. À cette heure, je ne sais plus.
Sans se laisser démonter par la désespérance de la réponse, Dick poursuivit :
— Il faut, tu entends, il faut que tu coupes la cordelette. Après, nous serons tirés d’affaire.
Son ton autoritaire, son accent n’admettant aucune résistance, cinglèrent le Parisien comme un coup de fouet. De nouveau, il oublia ses terreurs pour ne plus songer qu’au but à atteindre.
Ses dents d’adolescent, tranchantes comme celles d’un jeune loup, se mirent à déchiqueter la corde, la coupant brin à brin, toron par toron.
Et enfin Dick, rompant d’un soudain effort les brins encore existants, lança une clameur de triomphe :
— C’est fait !
Toute sa souplesse semblant revenue, il se délivra de ses liens avec la rapidité de l’éclair. Dix secondes plus tard, il était debout, libre de ses gestes.
— À présent, à ton tour !
Mais se hâter était une condition sine qua non du succès complet. Dick s’accroupit auprès du gamin, et de ses mains pressées, il se prit à enlever la terre emprisonnant le petit jusqu’au col.
En quelques minutes, il eut dégagé le haut du corps.
Alors, glissant les mains sous les aisselles de l’enfant presque évanoui maintenant, il le tira lentement, par saccades, de son linceul de terre.
Avec son couteau, conservé en poche (les assassins n’avaient point dépouillé leurs victimes), Dick coupa les liens du petit boy qu’il soumit à un massage brutal dont le premier effet fut de rappeler Jean à lui-même en réveillant la douleur.
Vers huit heures du matin, baignés par les rayons pâles du soleil, annonciateur du printemps proche, les deux voyageurs dont la circulation normale s’était rétablie, se mettaient en marche au hasard, droit devant eux.
Pourquoi choisir une direction ? Dans ce steppe ignoré, ils avaient aussi peu de chances de rencontrer un secours dans un sens que dans un autre.
Ils marchaient parce qu’un nouvel ennemi se manifestait à eux.