cheval au moyen d’une machine volante, l’a donné au lieutenant de cosaques Bariatine, lequel a teint en noir la brave bête, afin que sa robe dorée n’attirât pas l’attention.
Dix jours plus tard, le journal Irkoutska Novoie racontait l’anecdote suivante qui faisait trembler tous les habitants de la ville :
« Un terrible attentat anarchiste vient de démontrer tragiquement que les révolutionnaires ne sauraient être amendés par la bonté.
« S. E. le gouverneur d’Irkoutsk, désireux de montrer à un puissant khan mongol les exploitations cuprifères du Baïkal, s’était rendu avec son hôte à la mine du Borenev.
« La surveillance des puits était assurée par un détachement cosaque, que commandait le lieutenant Bariatine, officier distingué, espoir de l’armée.
« Hélas ! le jeune officier était affecté de cette sensiblerie fréquente chez les modernes, qui consiste à gémir sur la souffrance des criminels, condamnés aux travaux forcés.
« On se soucie peu des bons citoyens, peinant pour gagner leur modeste vie. Car on réserve sa pitié aux seuls coupables.
« Nous n’insistons pas ; nous semblerions blâmer l’infortuné lieutenant, et devant une tombe il convient que la critique désarme.
« On avait visité la mine. Avec l’autorisation de S. E. le gouverneur, Bariatine avait offert au khan mongol un superbe cheval noir, présent qui avait comblé de joie le bénéficiaire. Les visiteurs prirent congé.
« Alors que s’est-il passé ? L’enquête n’a pu l’établir avec certitude.
« Des témoignages recueillis, il semble résulter que l’officier se rendit au baraquement où l’on abritait un aéroplane, dont le gouvernement a récemment doté le service de surveillance. Le pilote dudit appareil était un certain Ozeff, nihiliste que le jeune officier, en sa bonté, avait fait remonter de la mine, pour l’employer à la surface du sol.
« Ce dernier avait-il en secret préparé, lors de la visite du gouverneur, un de ces horribles forfaits dont les révolutionnaires ne sont que trop coutumiers ?
« Obéit-il à une fureur soudaine en constatant que,