Le conciliabule prend fin. Larmette descend. Le carrier le remplace au volant.
Alors, le joaillier s’adresse à ses victimes :
— Vous ferez en tout point ce que vous demandera celui-ci. Je lui délègue mon autorité sur vous.
Puis il s’écarte de la voiture, étend la main, prononce :
— Va !
Le carrier actionne la machine. La Botera tourne sur elle-même et rejoint la route qui serpente, à travers les fourrés, vers la forêt de Bjorsky.
Cependant, la machine s’est engagée dans un chemin mal entretenu, qui escalade des mamelons, redescend dans des vallonnements, franchit, sur des ponts rustiques, des ruisselets bondissant dans leurs lits caillouteux avec des airs furibonds de torrents en miniature.
On est en pleine forêt à présent. De toutes parts, des arbres de haute venue masquent la vue. Sapins altiers, chênes, ormes, érables alternent avec les mélèzes et quelques bouquets de frênes.
— Nous sommes arrivés !
Ces mots sont prononcés par le guide, qui arrête la machine à l’entrée d’une petite clairière herbeuse. L’homme saute à terre et, d’un ton rude :
— Descendez !
Que faire, sinon se plier à la fantaisie de l’agent de Larmette ?
— Où sommes-nous ? murmura cependant Fleuriane.
Elle fut surprise, car l’homme répondit sans hésiter :
— Clairière de Nicolas Slavarède.
Sa main s’étendit vers un arbre voisin, sur le tronc duquel, à quatre mètres du sol environ, était fixée une niche de bois en forme de guérite, servant d’abri à une silhouette grotesque et naïve,
— La statue de saint Nicolas Slavarède, acheva le carrier.
L’ouvrier s’était éloigné de quelques pas, regardant le sol, avec des haussements d’épaules, des gestes des bras. Il semblait gourmander quelqu’un à voix basse.
Étonnés par sa singulière attitude, M. Defrance et sa fille cherchèrent à comprendre ce qui la motivait. Ils ne virent rien que l’herbe fanée, jaunie, comme brûlée par le soleil. Cela était étrange pourtant. Les gazons ne prennent cet aspect qu’à la fin des ardents étés, et l’on était seulement en juin.