Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/136

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Elle, sans paraître remarquer l’attente générale, allait toujours.

Elle vint se planter en face d’Oraï :

— Prêtre, demanda-t-elle de sa voix grinçante, de quoi se compose l’honneur du guerrier.

— Son honneur, répéta le sacrificateur surpris ?

— Oui, vénérable Oraï, lumière des temples… de quoi se compose-t-il ?

— Parle, vénéré Oraï, parle, clamèrent cent bouches impatientes.

Le sacrificateur s’inclina :

— Soit ! l’honneur du guerrier veut qu’il sache supporter la souffrance.

— Bien, le néophyte a fait preuve de cela.

— Ensuite vient le mépris du trépas.

— De ce mépris également, cet homme a fait la preuve. Et ensuite ?

Un frémissement secoua la foule. Elle devinait que la vieille Rana arrivait au point capital où tendaient ses questions inutiles en apparence.

— Après, c’est tout, déclara Oraï.

La nourrice fit entendre un rire de crécelle.

— C’est tout pour le soldat vivant. Mais quel est l’honneur du guerrier mort ?

— Mort ?

— Sans doute. Ne faut-il pas qu’après être tombé dans la bataille, il puisse être mangé par l’ennemi. Ne faut-il pas qu’il soit succulent, afin que ses adversaires, en dévorant sa chair, soient contraints de se dire : Celui-là fut un guerrier parfait, excellent sous les armes, excellent sous la dent !

Oraï inclina gravement la tête.

La foule trépigna.

Il est en effet d’usage, parmi les Battas, de manger les prisonniers et les morts après une bataille.

Ces peuples qui, à l’ordinaire, se contentent d’une alimentation végétarienne, où le riz tient la plus large part, doivent aux légendes sacrées d’être affligés, en cas de combat, d’une tare anthropophagique.

— Il est brave, conclut Rana ; mais avant de lui octroyer comme épouse mon unique fille, la gloire de mes cheveux blancs, je veux savoir s’il est savoureux.

Niclauss écoutait.