Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/228

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ches sombres, la lueur blafarde d’une lampe que le vieillard a allumée fait surgir des bouddhas à quatre bras, à têtes d’éléphants, de cerfs.

D’énormes chauves-souris, dérangées dans leur repos diurne, tournent en cercle, se heurtant aux murailles, et dans les couloirs emplis de ténèbres, des lucioles brillent telles des gemmes animées.

Un mois plus tôt, la jeune fille eût passé indifférente parmi ces restes d’une civilisation disparue.

Maintenant cela la faisait songer.

Et naïvement elle s’étonnait de se sentir attendrie à la pensée des races éteintes, qui s’étaient prosternées devant les bouddhas des niches, devant ces bouddhas vaincus de l’éternelle guerre des dieux, que le temps, impitoyable niveleur, effritait un peu plus chaque jour, transformait en poussière, renvoyait au néant de l’oubli.

Avec la ferveur d’une néophyte, elle en rendait grâces à Morlaix, ce Français rieur et sceptique d’apparence, qui avait éveillé son âme, l’avait fait jaillir de la gangue des préoccupations matérielles.

Elle s’inclina très bas, dans un mausolée du sud, devant une statue de femme dressée en une attitude songeuse, au bord d’un puits profond et noir, s’enfonçant dans les entrailles de la terre. Elle demanda son nom. Le guide lui-même l’ignorait. Et Lisbeth eut un sourire mélancolique à l’adresse de cette divinité déchue, dont l’appellation même s’était effacée de la mémoire des mortels.

Du côté nord, autre surprise, autre rêve.

Une tête de mort repose sur une tête d’éléphant. Que signifie cette dualité emblématique ?… Quel mystère se cache dans ce rébus de marbre ?

La voix de Fleck rappela la jeune fille.

Auprès de la voiture, l’Allemand exécutait une série de gestes télégraphiques, dont le sens au moins était clair.

Le guerrier du sultan droit auprès de lui, le papier que l’agent d’affaires brandissait, disaient que l’autorisation attendue était arrivée.

Rétribuant son guide, Lisbeth rejoignit en courant l’auteur de ses jours. Elle fut reçue par des reproches irrités :

— A-t-on idée de perdre son temps parmi de vieilles pierres !