Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/239

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qu’elle aussi aliénerait bien sa liberté afin d’adoucir la captivité volontaire de Morlaix.

Cette pensée la troubla, fit monter une rougeur à son front. Vite, elle l’écarta par cette question :

— Comment le pourrai-je prévenir ?

Comment ? Problème difficile à résoudre. Chez François Gravelotte, à bord du steamer, au Nederlandische Hôtel même, les occasions de rencontre pouvaient naître ; mais ici, dans cette ville inconnue, dans cet hôtel Mérapi, où probablement les Français ne descendraient pas, surveillée par son père, embarrassée de la société de Niclauss, de quelle manière, par quel subterfuge, mènerait-elle à bien la tâche délicate qu’elle avait assumée ?

Et elle fronçait ses blonds sourcils. Sous l’effort de la réflexion, ses yeux bleus prenaient un ton plus foncé… Seulement, hors une migraine commençante, ses recherches n’aboutissaient à aucun résultat appréciable.

Sur la place, une foule bigarrée, bruyante, passait incessamment.

Peu à peu, les regards de la jeune fille se voilèrent. Elle cessa de raisonner avec elle-même, et elle resta là, étendue sur sa chaise longue, inerte, alanguie, comme hypnotisée par le va-et-vient babillard des indigènes.

Que dura cet anéantissement, cette veille endormie, ce sommeil éveillé ? Lisbeth ne le saura jamais.

Ce qui est certain, c’est qu’elle éprouva une commotion.

Sur la place, un attelage composé de six poneys de Timor, passa avec fracas. Les mignons coursiers tiraient une sorte de break d’osier et de rotin, dans lequel trois personnes étaient assises.

C’est l’apparition de ces trois êtres dans le champ de son rayon visuel, qui brusquement arracha Lisbeth à son engourdissement.

Un homme, deux femmes ! Dans l’homme, elle avait reconnu d’emblée le sacrificateur Oraï dont Morlaix l’avait entretenue.

Quant aux dames, le voile bleu des Américaines, flottant autour de leur tête, lui rappelait la lettre lue chez Darnaïl, où Daalia disait se cacher sous semblable parure.

En Europe, dans les grandes villes du globe, ces